L’ex Orange en reprend pour son
grade dans une « Lettre ouverte-Tribune » qui lui est adressée par
des réalisateurs inquiets.
Celle qui n’a plus qu’une idée fixe lancer
à marche forcée et sans véritable cadre juridique la chaîne d’info en continu
sous ce gouvernement avant l’élection présidentielle de 2017, doit faire
face à présent au scepticisme des réalisateurs signataires.
Le blog CGC
Média qui a récemment commenté le foutoir et la démobilisation qui sont le
quotidien de France Télévisions depuis quelques mois, relaie évidemment cette
tribune qui en dit long sur la déliquescence de la télé publique.
Dans cette lettre ouverte à la
présidente de France Télévisions qui dénonce "le manque de lisibilité du projet" de l'ex Orange, plusieurs cinéastes s’inquiètent du peu
de place laissée à la fiction d’auteur sur les écrans du service public.
La voici:
"Madame Ernotte, refaites de la télé avec du cinéma
Chère Delphine Ernotte, Alors que vous vous apprêtez à
redéfinir, avec l’État, le contrat d’objectifs et de moyens de France
Télévisions, nous voulons vous faire part de notre inquiétude s’agissant du
sort que vous réservez au cinéma français et européen, qui semble avoir déserté
votre discours.
Dans le rapport que vous avez présenté devant le CSA
lors de votre candidature à la présidence de France Télévisions, vous avez
pourtant fait de la création une de vos priorités et vous vous êtes engagée à
mieux l’exposer, à mieux la montrer, sur l’ensemble des écrans de la télévision
publique.
Nous partageons évidemment avec vous cette volonté :
le service public de l’audiovisuel a l’occasion unique de devenir pionnier dans
sa façon d’exposer le cinéma. En utilisant intelligemment le numérique et les
régulations qui y seront attachées, vous avez aujourd’hui les moyens d’inventer
la télévision de demain, notamment avec la télévision de rattrapage. C’est là
un enjeu majeur pour les futures générations.
Notre responsabilité est collective. A l’heure où les
possibilités de voir et de diffuser des images sont infinies, où ces images
n’obéissent à presque aucun contrôle, le service public doit garder, plus que
jamais, cette voix qui est la sienne, porteuse des valeurs de la République et
soucieuse de raconter le monde dans une vision universelle. Il n’a sûrement
jamais été aussi important de mieux regarder les images et de mieux les
comprendre.
Le cinéma, dans toute sa diversité et toutes ses
formes d’humanité, a sa place au regard de cet objectif. Les films, à la
différence de beaucoup d’autres programmes, parce qu’ils ont un début, un
milieu, une fin, sont structurés et proposent des allégories de la vie qui
rapprochent les gens.
Le cinéma est un art populaire, un formidable moyen
d’émouvoir le plus grand nombre en leur offrant une image privilégiée des
souffrances et des joies communes.
En tant que cinéastes, nous sommes les garants de
cette diversité.
Ce cinéma, dont France Télévisions est le partenaire
public privilégié, est un cinéma de qualité, célébré dans les plus grands
festivals au monde. Il rassemble près de 40 millions de Français dans les
salles, ce qui correspond à la moitié des entrées du cinéma national.
Il y a plus d’un demi-siècle, lorsque la télévision
est arrivée dans les foyers, beaucoup ont hurlé à la mort du 7e art.
Pourtant, c’est elle qui a généré des millions d’amoureux du cinéma, qui ont
souvent découvert leur premier film sur une télé, à l’époque ronde et en noir
et blanc. Rien que pour cela, France Télévisions doit retrouver son envie de
montrer ces œuvres sur tous ses nouveaux écrans, y compris les œuvres plus
singulières et les plus inattendues, parce qu’elles font du bien à l’heure où
la paresse intellectuelle et la démagogie alimentent toutes formes
d’extrémisme.
Évidemment, nous sommes conscients qu’il y a derrière
toutes ces ambitions la question centrale des moyens. A ce titre, nous
réitérons notre proposition de moderniser, étendre et équilibrer la redevance audiovisuelle.
Le service public de l’audiovisuel doit bénéficier de financements cohérents, à
la hauteur de ses ambitions et de nos attentes. Nous réaffirmons notre volonté
d’y œuvrer avec vous. Nous sommes viscéralement attachés à France Télévisions,
mais le manque de lisibilité de votre projet nous inquiète.
Nous ne comprenons pas quelle politique de cinéma vous
souhaitez mener. Nous ne comprenons pas comment vous voulez éditorialiser le
cinéma sur vos antennes. L’absence totale de référence au cinéma dans votre
discours nous laisse dans une grande incompréhension. Quel rôle voulez-vous
faire jouer aux films dans votre mission de service public ? Quel sera le sort
des ciné-clubs, qui ont élevé tant de générations avant de devenir le privilège
des insomniaques ? Quelle stratégie pour que France Télévisions garde son rôle
de transmission de la culture cinématographique ?
Après plus de six mois à la présidence de France
Télévisions, nous voulons croire que vous avez, aujourd’hui, des réponses à ces
questions. Elles sont essentielles pour que nous comprenions votre vision.
Madame la présidente, votre réussite est primordiale. Mieux, elle est
indispensable. Nos destins sont liés. Faites-nous confiance. Travaillons
ensemble."
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