lundi 7 mars 2016

Le procès à venir "Bygmalion - France Télévisions" pourrait bien réserver une dernière surprise !

Le journaliste  "d'Atlantico.fr " Gilles Gaetner publie ce 7 mars 2016 un dossier intitulé "Une vraie tragicomédie" (*ci-après) qui récapitule plus de trois ans de procédures dont le Parquet national financier vient de décider du renvoi en correctionnelle de la société Bygmalion personne morale, de Bastien Millot, fondateur avec Guy Alvès de Bygmalion mais aussi et surtout - une première dans l'histoire de la télé -  de  l’ancien président de France-Télévisions, Patrick de Carolis, pour favoritisme ainsi que de son ancien secrétaire général, Camille Pascal.

L'auteur commence son propos par une formule quasiment prémonitoire "A moins d’un coup de théâtre"...la liste des prévenus pourrait donc s'élargir !

En tout cas, sur les faits, la plus haute juridiction du Pays a tranché en juillet dernier donnant raison au SNPCA-CGC à l’origine de la plainte  "France Télévisions, entreprise certes de droit privé mais ayant une mission de service public, qui se doit à ce titre de respecter le code des marchés".

Gilles Geatner d'ironiser sur cette vision des  "anciens dirigeants du groupe [qui] estimaient  qu’ils n’avaient pas à passer par la procédure d’appel d’offres, l’entreprise n’ayant pas un statut de droit public"...

Comment d'ailleurs ces gens à la tête d'entreprises publiques comme France télé, financées donc par le contribuables qui ont répété à l'envi pendant leur mandat qu'il convenait de respecter les règles, les principes en vigueur et les lois, ont-ils pu dès leur mise en examen dans le cadre de l'instruction judiciaire prétendre le contraire ????? 
Le blog CGC Média qui a publ - nombre de documents à l'appui - pléthore d'articles sur le sujet depuis avril 2011, tient à vous faire découvrir les trois pages du dossier que publie ainsi Gilles Gaetner sur Alantico.fr.

 
"Une vraie tragicomédie

Contrats Bygmalion-France-Télévisions : pourquoi le procès risque de tourner à la foire d’empoigne.


A moins d’un coup de théâtre, le juge Van Ruymbeke devrait renvoyer en correctionnelle l’ancien président de France-Télévisions, Patrick de Carolis, pour favoritisme. Son ancien secrétaire général, Camille Pascal, et Bastien Millot, fondateur de Bygmalion, devraient l’accompagner. Retour sur un dossier sensible.


Le Parquet national financier vient de requérir le renvoi en correctionnelle de l’ancien président de France Télévisions, Patrick de Carolis et de son ex-secrétaire général, Camille Pascal.
Tous deux sont soupçonnés d’avoir favorisé, de 2008 à 2011, la société Bygmalion à l’occasion de contrats de prestations, à hauteur de 1,2 millions d’euros, conclus sans appel d’offres.

Les deux anciens dirigeants du groupe estiment qu’ils n’avaient pas à passer par la procédure d’appel d’offres, l’entreprise n’ayant pas un statut de droit public.
Coucou ! Revoilà Bygmalion ! A moins d’un coup de théâtre a priori improbable, le juge Renaud Van Ruymbeke devrait renvoyer en correctionnelle, Bastien Millot l’ancien fondateur de cette entreprise de communication pour favoritisme et prise illégale d’intérêt. Mais ce dernier ne sera pas seul : il devrait être accompagné par Patrick de Carolis, l’ex président de France Télévisions et Camille Pascal qui occupait le poste de secrétaire général. 

C’est ce que vient de demander le procureur national financier dans son réquisitoire. 

Carolis et Pascal sont soupçonnés d’avoir passé, entre 2008 et 2011 pour 1,2 millions d’euros de contrats avec Bygmalion, sans appel d’offres. En ne respectant pas les règles du code des marchés obligatoire pour une entreprise dont le capital est détenu par l’État. Ces exigences, les avocats de Millot, Carolis et Pascal estimaient qu’elles ne s’appliquaient pas, arguant que France-Télévisions avait bien un statut de droit privé.

Finalement, après une bataille juridique sévère, la Cour de cassation, le 15 juillet 2015, a tranché : France-Télévisions, entreprise certes de droit privé, mais ayant une mission de service public, aurait dû respecter le code des marchés. Le procès, qui devrait se dérouler l’année prochaine, risque d’être diablement intéressant. 
D’abord parce que cette affaire révèle qu’à France-Télévisions, tout du moins à cette époque, existait une dilution des responsabilités au niveau de la direction. Ensuite parce qu’il promet une foire d’empoigne, principalement entre l’ancien patron de France-Télévision et son ex-secrétaire général qui a aujourd’hui totalement quitté le monde de l’audiovisuel puisque, outre ses fonctions au Conseil d’État, il tient chaque semaine une chronique dans Valeurs Actuelles. Vous avez dit foire d’empoigne ? 

Il suffit de lire le procès-verbal- de confrontation, entre les deux hommes, en date du 24 mai 2014, qu’Atlantico a lu. Nous y reviendrons.
Nous sommes en 2005. Bastien Millot, proche collaborateur de Jean-François Copé depuis plusieurs années (mairie de Meaux, Ministère du Budget, ministère chargé des relations avec le Parlement entre autres) entre à France-Télévision comme directeur de la stratégie auprès du nouveau président Patrick de Carolis. 

C’est Patrice Duhamel, le numéro 2 du groupe qui l’a recommandé. Sa rémunération ? Plutôt coquette : 180 000 euros brut par an. Jusque-là rien à dire. Trois ans après son arrivée, Millot qui souhaite voguer vers d’autres mers, peut-être moins agitées, quitte France-Télévisions en octobre 2008. Il souhaite racheter, avec son ami Guy Alves, une entreprise de communication spécialisée dans l’édition de revues destinées aux collectivités locales. Son nom : Ideepole. Parallèlement, est constituée une autre entité, ayant la même mission, Bygmalion. 

Cette dernière compte entre six et huit salariés, et Ideepole, une vingtaine. Adieu donc France-Télévisions… Pas tout à fait. Car en réalité, Sébastien Millot prend un congé sabbatique. Il reste lié à l’entreprise. Et c’est là, nous allons le voir, que peu à peu, va enfler une histoire qui ne se termine pas très bien pour le trio Millot-Carolis-Pascal.  

Dès le départ du premier, Bygmalion va obtenir divers contrats. C’est par exemple, la mise sur pied d’une veille Internet ayant pour mission de répertorier les rumeurs malveillantes ou tentatives de déstabilisation véhiculées sur la toile. C’est encore la création d’un service courrier qui répond instantanément à chaque téléspectateur. Quoi d’autre encore ? La rédaction d’une synthèse d’actualité ou de presse qui concernerait France-Télévisions.
Autant de prestations qui seront exécutées sans le recours à un appel d’offres. 

Pourtant, selon l’article 6 de l’ordonnance du 6 juin 2005 qui fixe les principes fondamentaux de la puissance publique, le recours à l’appel d’offres était obligatoire. Pour être clair, au-delà de 207 000 euros, les contrats devaient être soumis à cette procédure. Ce qui n’a pas été le cas pour au moins deux d’entre eux. Témoins, les factures de 431.110 euros  (2009) et de 285.180 euros ( 2011) réglées par France-Télévisions à Bygmalion. Pour deux autres factures : l’une est d’un montant de 121.320 euros pour 2008, l’autre de 192.000 pour 2011. A cette date, la limite est de 193.000 ! 
Découvrant ces règlements peu orthodoxes, le syndicat CFE- CGC-Medias [SNPCA-CGC] via son avocat Pierre Olivier Lambert décidait, en mai 2013 de porter plainte pour favoritisme et conclusion de contrats sans mise en concurrence. 

Le juge Renaud Van Ruymbeke est chargé de l’enquête. Très vite, les investigations du magistrat démontrent le bien-fondé de la plainte… 

Témoin, l’audition, dès le 8 janvier 2014, d’Olivier Debargue, directeur des Achats hors programme à France-Télévision. Ce dernier le dit clairement. En substance : "Fin 2007, le mode de fonctionnement relatif à la commande publique était le suivant : la publicité, l’égalité de traitement des candidats, la transparence et l’efficacité économique." Une affirmation corroborée par un article du site Internet www.décision-achats.fr mis en ligne le 1er décembre 2011.  
On y lisait : "En 2006, les processus achats ont subi une transformation radicale pour basculer vers des règles d’achat public. Une révolution menée dans des délais record !" 

Lorsque Van Ruymbeke prend connaissance de ces deux témoignages, il a le sentiment qu’on l’a baladé.. Le "on", c’est le directeur financier Martin Adjari, qui lui avait assuré que les règles de commande publique avaient été mises sur pied en 2010… Première surprise…  

Qui va être suivie d’une autre : Van Ruymbeke, malgré les demandes faites à France-Télévisions, ne parviendra pas à mettre la main sur différentes prestations de la société Bygmalion. Comme la rédaction d’éléments de langage ou la réalisation d’une étude sur l’image de France-Télévisions. Et pour cause : aucune trace. Pas davantage de découverte de plaquettes et autres documents censés avoir été réalisés par Bygmalion.

Pour y voir un peu plus clair si l’on peut dire, dans toutes ces cachotteries, le juge Van Ruymbeke devait répondre à une devinette : quel a été le rôle du duo Carolis-Pascal dans l’attribution des contrats à Bygmalion ?

Qui a décidé de faire appel à cette société ? Pour le savoir, le magistrat organise, le 24 mai 2014, une confrontation entre Carolis, Millot et Pascal. Rien que du très classique. Sauf que, dans le cabinet de Van Ruymbeke, elle va tourner à la foire d’empoigne, comme on en voit parfois dans les instructions. 
D’emblée, Camille Pascal ouvre les hostilités. Pour lui, il n’y a aucun doute, c’est "Patrick de Carolis qui décidé de maintenir une collaboration avec Bastien Millot qui venait de quitter le groupe." 

Et de marteler : "Il y avait un accord de principe de Patrick de Carolis sur un certain nombre de prestations. Ces prestations portaient sur la veille Internet, le courrier de téléspectateurs, la stratégie, l’alimentation de la présidence par un certain nombre de conseils réalisés par Bastien Millot" Enfin, soucieux de se montrer très clair, Camille Pascal poursuit : "Patrick de Carolis m’a confirmé verbalement son souhait. On se voyait tous les jours. J’ai vérifié auprès de Carolis ce que Damien Cuier [directeur général chargé de la gestion] m’avait expliqué. A partir de là, dès lors que les prestations par ailleurs seraient effectuées, je n’avais pas de raison de ne pas les mettre en œuvre." A peine, Camille Pascal a-t-il terminé, que l’ancien président de France-Télévisions, visiblement énervé, réagit. Avec fougue : "Je m’inscris fermement et totalement en faux[…] Je viens d’entendre Camille Pascal dire que ‘l’on se voyait tous les jours’ et que c’était un proche collaborateur." 

Et Carolis de plus en plus agacé par les affirmations de Camille Pascal, reste droit dans ses bottes et n’en démord pas : "C’est le secrétaire général qui avait autorité, moyens et compétence pour organiser lui-même son département. Lorsqu’on m’a proposé ce schéma d’organisation [les contrats passés avec Bygmalion], j’en ai pris acte et je tiens à redire haut et fort que je n’en étais pas à l’initiative, même si j’ai eu à me louer des activités de Bastien Millot et de Bygmalion." Et Carolis de décocher une flèche terrible contre Camille Pascal : "je tiens à dire que je ne pensais pas qu’un agrégé d’histoire puisse à ce point prendre autant de liberté avec la vérité historique." 

Van Ruymbeke boit du petit lait. Il a bien compris qu’on lui sert un vaudeville qui pourrait avoir pour titre "c’est pas moi c’est l’autre". 

Quant au troisième larron de la pièce, Bastien Millot, il se montre parfaitement serein, se gardant bien de valider l’une des deux versions. Et répétant ce qu’il a déjà dit au juge lors d’une précédente audition : "J’ai déjà précisément décrit le schéma de commande de prestations émanant de France-Télévisions pour Bygmalion. Ces commandes étaient de nature très diverses, répondaient à des besoins exprimés par mes interlocuteurs, qu’il s’agisse de M. de Carolis ou de M. Pascal. Nous envoyions nos propositions de prestations et celles-ci faisaient l’objet d’une validation donnant lieu à un bon de commande, puis à une facture, comme c’est le cas pour tous les prestataires de France-Télévisions." Alors, où est le problème, puisque tout a été fait dans les règles de l’art sous-entend Millot ? Lui qui est désormais avocat se livrerait-il à un plaidoyer pro domo ? Quoiqu’il en soit, si procès il y a, tout dépend de la décision du juge Van Ruymbeke, il sera intéressant de voir si Bastien Millot continuera à se tenir à égale distance de Carolis et l’agrégé d’histoire membre conseil d’État…"



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