La Cour d’appel vient de porter à 650000 euros, les indemnités pour un monteur - réalisateur de France Télés !
C’est
le cabinet Ktorza qui donne l’incroyable information sur son site empruntant
au passage le titre de Gérard Lenorman "Si tu n'me laisses pas tomber" et dédiant à l’ex-Orange le jugement dont le blog
CGC média vous propose de découvrir la teneur.
« L’augmentation du
montant des condamnations supportées par France Télévisions confine à
l’invraisemblable.
Les analyses
juridiques échouent à l’expliquer, c’est d’ailleurs pourquoi les pronostics et
évaluations des juristes, des conseils et experts de la DRH se trouvent, dans
les faits, démentis.
Le phénomène
semble d’autant plus étonnant que le lobbying patronal exerce une pression
constante sur le législateur. Depuis 14 ans, sous Sarkozy, sous Hollande puis sous Macron, le
Code du travail est continument raboté, restreignant le champ de la
revendication judiciaire. Les condamnations financières devraient donc
décroître. Or pour FTV… on constate l’inverse.
Autre piste,
évoquée par certains de nos interlocuteurs : la qualité de la défense de
France Télévisions. Mais l’augmentation des condamnations est constatée quels
que soient les cabinets d’avocats désignés par la DRH. Les défenseurs ne
sont donc pas en cause.
Enfin, on
entend des critiques récurrentes sur les juges. Mais là encore, ce sont
plusieurs centaines de conseillers prud’homaux et magistrats professionnels qui
ont statué à Paris sur des affaires FTV depuis 14 ans. Et donc, le phénomène
dépasse les équations personnelles.
Alors
pourquoi ?
La véritable
cause est plurielle. Deux éléments importants, qui concourent au phénomène,
sont présents dans l’affaire jugée hier 24 mars à la Cour d’appel de Paris
Le premier
élément est présent dans toutes les affaires de « non-permanents »
FTV :
C’est le
sentiment véritablement répulsif des juges parisiens à l’encontre de ces
procédures qui les encombrent. De l’avis général des magistrats de la Cour
d’appel de Paris, on les prend en otages (un juge français est tenu de statuer
sur toutes les demandes qu’on lui présente) en les saisissant d’un faux
litige : le salarié a-t-il ou non droit à un CDI. La question est
réglée depuis 30 ans. Le problème n’est donc pas de la compétence des juges
civils qui sont là pour arbitrer des différends juridiques, le problème est
dans le fonctionnement du service RH.
Dans notre
dernière chronique, nous racontions comment les magistrats en viennent à
exprimer, en audience, leur exaspération.
Le DRH en
charge des contentieux individuels [muté depuis. Ndlr] est encore aux manettes
dans l’affaire du 24 mars.
Voilà l’histoire, en
résumé :
A l’origine, un
réalisateur de France 3 qui, après vingt ans au planning, demande une
régularisation.
Niet, répond le service RH.
Le dossier
devient contentieux.
Le Conseil de
prud’hommes condamne FTV.
Le DRH ès qualité décide d’interjeter appel.
Dans son Arrêt,
la Cour relève :
« Il
convient de constater que la société France Télévisions ne conteste pas en
appel la requalification en CDI » (4ème page de
l’Arrêt).
C’est dire que,
aujourd’hui, plus personne chez FTV…ne se ridiculiserait en essayant de plaider
qu’un homme de télévision pourrait signer des CDD pendant toute sa
carrière !
NB. A garder en
mémoire, le jour où un Jean-Luc, une Marylin, un Arno ou une Caroline prendra
la pose pour vous expliquer qu’il a droit de refuser votre
« intégration ».
La défense
de FTV s’est donc appliquée à ne point trop braquer les magistrats de la Cour
d’appel.
Mais alors,
pourquoi avoir fait appel ?
Parce que (d’après
ce que fait plaider FTV devant la Cour), la sanction des prud’hommes aurait été
bien trop lourde.
Mais qu’en
est-il réellement ? La sanction financière était-elle exagérée ?
Aux Prud’hommes,
le jugement rendu en 2018 fixe la condamnation (salaires et cotisations
sociales, indemnités, frais… ) à quelques 300 000 euros.
C’est déjà très
important. C’est punitif. Ce montant correspond à 46 mois de salaire, soit
moins d’un mois de salaire par mois qu’aura duré la procédure devant les
Prud’hommes ( qui s’est prolongée sur 52 mois ).
D’après ce que
nous observons, c’est moins que ce que fixe généralement la Cour d’appel dans
ces affaires. Mais d’après FTV c’est trop. Donc, l’affaire va en appel.
La procédure
d’appel va durer 2 ans.
In fine, la Cour double la condamnation globale, qui passe à 650 000
euros. Soit 102 mois de salaire pour 70 mois de procédure au total. Soit 1,5 mois de salaire
par mois de procédure.
Si FTV croit
encore que c’est un débat juridique qui détermine les condamnations, s’il ne
comprend toujours pas que la justice sanctionne son attitude procédurale, c’est qu’il est
définitivement inaccessible au second élément qui explique l’augmentation des
condamnations : c’est la durée des procédures.
Plus le
contentieux se prolonge, plus le préjudice est apparent. Plus les rappels de
salaire sont importants. Plus les juges s’énervent de l’abus procédural.
Ainsi donc, par
cette affaire banale en elle-même mais inédite dans la sévérité de la sanction,
on prend conscience des deux premiers éléments qui expliquent cette
sévérité : le dysfonctionnement RH transporté abusivement aux tribunaux,
et la conduite dilatoire des procès sur des années.
A suivre …
Et en attendant, la petite dernière pour la route :
A votre avis,
que va faire FTV ? Le DRH en cause, va-t-il rédiger une lettre d’excuses
au nom du Service public ? Présenter sa démission à sa patronne ?
Reprendre les dossiers en cours pour éviter de nouvelles catastrophes ?
Nous avons
sans doute mauvais esprit mais nous parions que FTV et sa nouvelle DRH vont plutôt
se conduire comme à son habitude : rechanter la même chanson en cassation.
En attendant,
chaque fin de mois, les dossiers contentieux classés dans les armoires coûtent
un mois de salaire de plus à la collectivité des contribuables.
A tous les
niveaux de la structure RH, quand un manager dit « on va faire du
contentieux », et qu’il prétend en avoir le droit, nous disons qu’il joue
sur les mots.
Ces affaires que nous
révélons montrent que le DRH qui provoque un procès n’use pas de son droit,
mais seulement de son pouvoir. »