Nous ne résistons pas à publier in-extenso l'incroyable article posté ce jour sur Metula News Agency (l'agence d’analyse, de ré-information et de reportage de proximité) sur ce français sorti miraculeusement du coma après 14 longues années.
"Après 14 ans de coma, les "voleurs de patates" sévissent toujours (info # 012304/10) [Audiovisuel]
Par Hubert Gonscailles © Metula News Agency
Hubert Gonscailles est aujourd’hui à la tête d’une maison de production indépendante à Paris. Il a longtemps travaillé comme producteur au sein d’un très grand groupe de télévision français.
Certes, il ne s’agit pas là du coma le plus long… un ancien cheminot polonais, Jan Grzebska, sortit d’un coma de 19 ans, qui lui avait fait manquer la fin du régime communiste, en 1989 ; à son réveil, il a trouvé "le monde plus agréable" qu'à l'époque de son accident.
Mais 14 ans, peuchère, c’est déjà incroyable.
Notre homme, un Français ordinaire, revenant à la vie après 14 longues années de silence, a eu cette phrase étonnante : "et les voleurs de patates, ils sont toujours là ?".
Voici son invraisemblable histoire :
Tout commence au début de l’année 1996. L’affaire dite des "animateurs-producteurs" éclate à France Télévisions.
Cette année-là, la Cour des comptes, dans un rapport de 150 pages, a dénoncé des contrats abusifs, l’absence de contrôle, l’opacité organisée, les avantages indus, les rémunérations scandaleuses, etc.
L’instance va même jusqu’à qualifier de "dérive financière", la politique de "recours aux six producteurs" impliqués, qui se chiffrait à 546 millions de francs en 1995, et 625 millions pour 1996.
Au centre de cette affaire, deux sociétés et trois protagonistes sont particulièrement visés : Jean-Luc Delarue avec Réservoir Prod, Arthur/Courbit, et la société Case Productions.
En périphérie du scandale, un expert comptable, Rodolphe Ankaoua, se trouve à l'origine de ces étranges contrats. En effet, pour Case Prod et Réservoir Prod, les contrats ne passaient pas par les circuits internes usuels de France Télévisions mais étaient signés par une officine parallèle.
La Cour indiquait à cet effet : "que les fameux contrats faisaient le bonheur des animateurs avant celui de la chaîne", leur garantissant un "volume de chiffre d'affaires et certains petits avantages (avenants et indexations)".
Et d’ajouter : "La plupart des sociétés d'animateurs-producteurs n'ont vu le jour que grâce à l'argent public, dont elles ont bénéficié, et n'ont fonctionné que par la commande publique. La naissance de Réservoir Prod est l'exemple le plus spectaculaire de cette dérive". Elle permet de poser clairement la question sur "la véritable nature" des sociétés des animateurs :
"Quelle que soit la forme retenue : une SA pour Réservoir Prod, une Sarl dans les cas de Diesair, Image on air de Nagui et Case Production d'Arthur, ou encore une EURL pour ce qui est d’Air Prod de Nagui, la Cour était en droit de s'interroger sur la nature des sociétés créées et sur leur réalité économique, qui devenait finalement la gestion des fonds publics dans le cadre de structures sociétaires écrans fictives".
La création de ces entreprises de prod donne cependant le signal de départ de l’ascension fulgurante des deux chefs d’entreprises que sont devenus Delarue et Courbit.
Quand l'affaire éclate, ce dernier part sur la pointe des pieds sur TF1 avec son animateur et ses émissions, et continue à "faire de l’argent" comme ce fut déjà le cas sur la télé publique.
La Cour des comptes pouvait bien, alors, révéler que les anciens dirigeants de France Télévisions avaient violé les règles en développant des "usages non conformes à l'intérêt social des biens ou des crédits de France 2".
Et dénoncer le contournement par l'équipe d'Elkabbach des instances de France 2, qui décalait le "centre de décision" en le confiant à une "équipe informelle de conseillers, parmi lesquels, on s'expliquait mal la présence du directeur de l'information, Jean-Luc Mano, pour négocier des contrats concernant tout sauf l'information".
Toujours était-il que Courbit et son présentateur Arthur, ainsi que la société Case Productions avaient déjà rejoint la concurrence...
Patrick Clément, ancien délégué général de France Télé, et ex-bras droit du PDG, ainsi que Louis Bériot, directeur des programmes, pouvaient bien être lâchés par Jean-Pierre Elkabbach, contraint finalement à la démission, parce que désavoué par l’actionnaire, TF1 faisait main basse sur les deux hommes et leurs boîtes, pensant jouer un bon tour à France Télévisions.
Les dernières images que notre miraculé sorti du cirage avait donc gardées en mémoire, avant de sombrer dans un profond coma, étaient celles des voleurs de patates, diffusées par les "Guignols" de Canal+.
Quatorze ans plus tard, le voila qui se réveille pensant s’être juste assoupi. Et pour cause, il retrouve Delarue… et Nagui, toujours à l’antenne, présentant, comme de coutume, "Taratata". Nagui, qui anime aussi une quotidienne à la mi-journée : "Tout le monde veut prendre sa place".
Inconscient qu’il était, le quasi ressuscité n’a pas lu le livre [1] qu’un ami lui apporta quelques mois plus tôt lors d’une visite.
Ce livre choc révélait les salaires des animateurs : Christophe Dechavanne empocherait € 5.000 par livraison de "La Roue de la Fortune" (un chiffre que l'intéressé a démenti), alors que Nagui ne se contenterait" que" de € 2.000 pour sa propre quotidienne.
Un chiffre "plus bas" pour l'animateur-producteur, qui s'explique - selon l’ouvrage en question - par sa présence sur une chaîne publique supposément dotée d'un budget moins important !
Notre miraculé s’est rapidement tranquillisé, apprenant que Nagui n'est pas à plaindre pour autant, comme le révélait un récent article de presse, qui le qualifiait d’animateur incontournable, avec12 heures de présence à l'antenne de France 2 et France 4, en comptant les rediffusions ; sa société, Air Prod, gérant notamment ses propres programmes.
Son émission de la mi-journée "Tout le monde veut prendre sa place", qui a réussi à détrôner le traditionnel "Attention à la marche" de TF1, avec des audiences de l’ordre de 3 millions de téléspectateurs et 25 % de PDM [parts de marché. Ndlr.], n’est pas la seule à cartonner.
L’émission du soir de Nagui (qu'il présente et produit), "N'oubliez pas les paroles", facturée € 70.000 à France 2 (en plus des gains des candidats, à la charge de la chaîne), se porte bien également.
Puis il y a les prime time, dont le dernier, pour la Saint-Valentin, a fait très fort, à 4,8 millions de téléspectateurs pour 20,1 % de PDM, coûtant, quant à lui, 350.000 euros à France 2.
De l’argent reversé partiellement à Nagui, principal bénéficiaire en tant qu'investisseur. Viennent en suite, les quelques 60.000 euros destinés à la production de l'émission culte "Taratata", sur France 2 et France 4.
Somme arrondie par le CNC (Centre National du Cinéma et de l'image animée), qui lui apporte une participation financière.
Rémunération supplémentaire pour l’animateur vedette - via sa société -, en échange de la contribution que Nagui apporte à l'aspect technique - notamment la logistique -, du jeu de Julien Courbet et Pierre Bellemare sur France 2.
Nagui et son équipe sont également des professionnels de la négociation, qui se chiffrerait à au moins 18,5 millions d'euros avec France Télévisions... par saison !
D'après Le Point, ils auraient remporté le contrat de la Fête de la musique : la ville retenue - mais pas encore connue - ayant accepté de prendre en charge les frais colossaux (300 personnes à payer entre autres !) du concert prévu en province. [2]
Si ces chiffres sont vrais, Nagui est le roi de France Télévisions. Il est toutefois évident que tout cet argent ne va pas dans la poche de Nagui. Toutes les émissions citées ci-dessus passent par la société Air Productions, qui emploie 120 personnes. A l’heure où le chômage n’a jamais frappé si fort, il est bien de trouver quelqu’un qui emploie tant de monde.
Pardon ! Léger bémol dans le conte de fées social : La société n’appartient plus à Nagui. Il a vendu 100 % de ses parts, en octobre 2008, à Stéphane Courbit, le patron de Banijay, qui devait racheter la régie publicitaire de France Télévisions et à qui Alain Minc prodigue ses conseils.
Alors oui, pourrait-on se dire à la place de celui qui tomba dans le coma il y plus d’une décennie, le choc émotionnel est moins violent. Notre homme peut imaginer que rien n’a vraiment changé à part un nouveau nom dans le paysage, celui d’Alexandre Bompard, l’ami de Stéphane Courbit. [3]
Il faudrait toutefois lui faire comprendre – c’est pour son bien - que le climat affairiste, qui avait pourri l’atmosphère voilà 14 ans – quand nous avions sombré avec lui dans l’insouciante somnolence - et qui avait même conduit, à l’époque, l’un des directeurs généraux de France 2, mettant les pieds dans le plat, à s’emparer du dossier et à faire le ménage dans des pratiques d’un autre âge, demeure, plus que jamais, d’actualité.
A l’époque où des centaines de millions d'euros de l’argent des contribuables français étaient - et sont encore, et toujours plus – sur le tapis de jeu, il n’existe aucune raison de penser que les petits arrangements entre amis ont cessé. Il va falloir lui avouer que les voleurs de patates sont là où il les avait laissés. A la différence que, désormais, ils s’y sentent chez eux et n’y sont guère dérangés.
Notes :
[1] Le Jackpot des Jeux Télé de François Viot (Editions du Moment), sorti le 18 juin 2009. 275 pages. € 19, 95
[2] Ces chiffres émanent soit de l’ouvrage en question, soit d’un article publié dans Le Point.
[3] Le Nouvel Obs donnait, il y a quelques jours, une liste d’amis et de connaissances qui gravitent autour de Stéphane Courbit et, par ricochet, d’Alexandre Bompard.
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