Ce qui s'est passé en début
d'après-midi devant la 32ème chambre correctionnelle du TGI de Paris
est assez inhabituel. (C'est un moindre mot)
A Maître Michel Pitron, l'avocat intervenant pour
France Télévisions qui évoquait ainsi les trois syndicats parties civiles
(SNPA-CGC, CFDT et SNJ) "de l'autre
côté de la barre", la présidente
a du tribunal a lancé "Maître,
n'êtes-vous pas du même coté de la barre? "
Maria Cornaz l'avocate du SNPCA-CGC partie civile,
elle, a tout d’abord démontré que les deux critères qui consacrent le délit
de favoritisme étaient bien totalement réunis.
Élément matériel et
élément intentionnel caractérisés, a-t-elle brillamment plaidé rappelant
encore et toujours qu'aucune mise en
concurrence - contestée par personne du reste - n'avait été réalisée.
Elle a rappelé qu’aucune règle des trois devis
n’existait contrairement aux allégations des prévenus et que de toutes façons, « il
n’y avait eu en l’état, ni trois devis, ni deux devis, ni un devis et d'ailleurs aucune mise en concurrence du tout » de 2008 à 2013 alors
que les textes étaient pourtant entrés en vigueur en juin 2005.
«L'accomplissement de l'infraction commise en toute
connaissance de cause" caractérise le délit et c'est bien le cas ici » a-t-elle ajouté.
« C'est en toute connaissance de cause que les
prévenus n'ont pas respecté ordonnance de 2005 » (trois ans après sa
transposition et le décret qui l'a rendait impérative en Droit français)
a-t-elle enchérit en développant les arguments développés au cours des
audiences et notamment dans le rapport annuel de la Cour de Cassation mais aussi dans le
récent rapport de la Cour des comptes.
Maitre Pierre-Olivier Lambert qui a
remarquablement co-plaidé pour le Syndicat National des Personnels de la Communication pour la CGC qui a fait éclater l'affaire, a ancré lui son
propos dans "l'obligation d'exemplarité pour des dirigeants d’une grande
entreprise de plus de 10.000 salariés a fortiori du Service Public".
Ce procès était l’occasion de rappeler aux dirigeants
publics leur devoir d'exemplarité: "Il leur est demandé de servir et non
pas de se servir." a-t-il indiqué.
«Le délit prend sa source en 2008 c'est donc bien
normal que les faits soient poursuivis de 2008 à 2013 » précise-t-il.
Et d’avancer ses arguments : « La
Cour des Comptes dans son récent rapport - page 73 - indique que depuis 2009,
six rapport de l'audit interne se sont succédés. Elle met en avant la
récurrence pendant toutes ces années de ce qu'elle appelle le recours à
"des prestataires historiques" sans qu’aucune mise en
concurrence ne soit réalisée ».
Se tournant vers les prévenus dont il
constate « le manque de courage et le sentiment d'impunité » sur
l'air de « Je ne savais pas que
c'était interdit et je ne savais pas que c'était puni », il
a regretté qu’à l’heure de la vérité, bien
peu aient fait ce choix et l'assument…à part peut-être l’ex Secrétaire Général
qui, lui seul, a dit « assumer sa signature et ses
conséquences».
Pour lui la fourniture « d'éléments de langage »
que d’autres appelleraient « langue de bois » comme
le fait de « décrypter les relations avec le politique » - prestations
finalement payées si chères par le contribuable sans mise en concurrence – n’expliquent
en rien les manquements constatés.
Maître Pierre-Olivier Lambert qui a ensuite listé « les images maritimes » que Patrick de Carolis n’a cessé d’utiliser pour tenter de justifier l’injustifiable "le commandant du navire, les yeux tournés vers l'horizon, la barre tenue bien ferme, etc..." s’est dit abasourdi que "des dirigeants à qui l'on demande exemplarité et discernement avec de l'argent public" aient ainsi pu le gaspiller (le terme gaspillage est aussi celui de la Cour des comptes)
Enfin, avant de passer la parole à France Télévisions qui s'était assez incroyablement
constituée partie civile par
l'intermédiaire de Pflimlin le lendemain de son audition par le juge Renaud Van
Ruymbeke qui venait de le placer sous statut de témoin assisté, dont
il a dit attendre l'intervention avec le plus grand intérêt, il a conclu avec un
nouveau pavée dans la marre de Carolis.
"La Cour des Comptes qui pour rendre son récent rapport
a indiqué les noms de celles et ceux parmi les dirigeants et/ou ex dirigeants
de France Télévisions à qui elle avait demandé de répondre, Carolis avait
été été le seul à ne pas avoir répondu"
Est donc venu le tour de FTV (constitué "partie
civile" donc) sur lequel nous passerons très vite, tant la prise de
position est flagrante et les déclarations de l'avocat de Carolis pour ses
chantiers de 2007, va totalement à l'encontre des trois syndicats parties
civiles.
"Si des infractions ont été commises, je
serais furieux pour l'entreprise que je représente. Ce serait un paysage de
désolation durablement abîmé" a déclaré Maître Michel Pitron, s'empressant de dire que
bien entendu pour lui "l'ensemble des
procédures avaient été respectées".
Il a osé ajouter "Tout
allait bien et tout était conforme aux manuels établis par Olivier Debargue dès
2006" ...Circulez, il n'y a rien à
voir!
Quant à sa cliente France Télévisions, ce serait
même elle, selon lui, qui "a tout fait pour aider l'instruction, a
fourni des pièces pour éclairer le Tribunal et nourri le dossier
quotidiennement ...enfin pas quotidiennement mais régulièrement" a-t-il
déclaré.
Hallucinant! Il a fini par indiquer - si
le Tribunal devait prononcer des condamnations, ce dont il doutait (tant il
serait meurtri pour l'entreprise!) - ne pas pouvoir calculer, huit ans après, à combien
évaluer un quelconque préjudice financier!
S'agissant enfin du possible préjudice moral et
d'image, il serait selon lui inchiffrable. "C'est l'actionnaire,
c'est l’État, ce sont les Français donc les contribuables qui paient la
redevance qui sont concernés..." a-t-il lancé. Quid des salariés de
France Télé? Pas un mot!
"Faudrait-il donner à chaque français un
euro symbolique? Pas sûr! C'est le tribunal qui décidera du montant, si
tant est que le tribunal trouve une infraction" a-t-il fini par s'interroger.
Il n'a demandé contre les prévenus - s'ils étaient
condamnés - qu'1€ symbolique!
Houaouu... Là ça chiffre tout de suite.
Avec une telle partie civile, les prévenus ont dû
trembler !
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