Le Conseil des Prud'hommes de Paris - section encadrement - vient une ixième et nouvelle fois, de juger sans cause le licenciement
d’une journaliste en CDDU qui avait travaillé 7 ans durant sur l’Émission « Ce Soir (ou
jamais !) ».
Maître Frédéric Chhum, a d'ailleurs publié à ce sujet sur le Net, le lundi 12 décembre 2016, la condamnation prononcée:
« Ce soir (ou jamais !) » était une
émission de télévision culturelle, présentée par Monsieur Frédéric Taddei de
2006 à 2016. Programmée en deuxième partie de soirée, elle a été diffusée en
direct à partir de 2006, d’abord sur France 3, puis sur France 2. De 2006 à
2011, l’émission était diffusée quatre fois par semaine, du lundi au jeudi, et
sa durée était d’environ 90 minutes. En 2011, elle était hebdomadaire, le mardi
puis le vendredi, et sa durée a été allongée à 120 minutes. La toute dernière
émission a été diffusée le 20 mai 2016.
1) Une journaliste employée en CDDU pendant 7 ans au
sein de MFP
Madame X a été engagée par MFP, sur l’émission « Ce
soir (ou jamais !) », en qualité de journaliste à compter du 19
octobre 2009, sous contrats à durée déterminée d’usage dits « de
grille » successifs.
Son premier contrat en date du 19 octobre 2009 marque
le début d’une relation de travail de
plus de 7 années cumulées au cours de laquelle les parties ont conclu 13
contrats à durée déterminée de grilles. La journaliste a travaillé plus de
1.278 heures par an en moyenne au cours des 4 dernières années.
Le 13 mai 2016, Monsieur Vincent Meslet, directeur de
France 2, et la Présidente-Directrice Générale de MFP, Madame Laetitia Recayte,
accompagnés de l’ensemble des dirigeants de la société, se sont rendus à la
rédaction de « Ce soir (ou jamais !) », où était présente
l’intégralité de l’équipe de l’émission.
Lors de son discours, Monsieur Meslet a indiqué
combien « cette émission était excellente », combien « le
travail était bien fait », et que « seule la volonté de changer
une émission ayant 10 ans d’antenne avait poussé la direction à arrêter
l’émission ».
Monsieur Meslet a également confirmé la création d’une
future émission mensuelle à compter de septembre 2016, produite par MFP et
présentée par Monsieur Taddei, « Hier, aujourd’hui, demain »,
présentée comme un « magazine d’idées ».
Pourtant, quelques jours plus tard, Madame X
réceptionnera le courrier lui notifiant la fin de sa collaboration, celui-ci
mentionne laconiquement : « Pour faire suite à votre entretien de
ce jour avec Madame M […], nous vous confirmons que suite à la décision de France 2 d’arrêter son émission "Ce soir
(ou jamais !)", MFP ne peut renouveler l’objet de votre contrat CDD
d’usage (du 1er janvier au 31 mai 2016). Nous vous signifions donc la fin
de votre mission au sein de MFP pour cette émission au terme de votre contrat
et ce, à compter du 31 mai 2016 ».
La journaliste ne sera plus jamais réemployée par MFP.
Le 26 juillet 2016, Madame X a saisi le Conseil de Prud’hommes
de Paris afin notamment de solliciter la
requalification des contrats à durée déterminée conclus avec son employeur en contrat à durée indéterminée et la
requalification de la rupture de sa collaboration en licenciement sans cause
réelle et sérieuse.
2) Demandes de la journaliste
2.1) L’absence d’usage constant permettant de recourir
au CDD d’usage pour pourvoir un emploi de journaliste et la requalification des
CDD d’usage en contrat à durée indéterminé.
La journaliste plaidait qu’il n’existe pas d’usage
constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée pour pourvoir
l’emploi de journaliste que Madame X a occupé.
En effet, si la convention collective nationale des
journalistes autorise le recours au CDD de droit commun aux termes de son
article 17, force est de constater
qu’elle n’offre pas la possibilité de recourir à un CDD d’usage.
A ce titre, l’article 17 mentionne expressément :
« Un journaliste professionnel ne peut être embauché avec un contrat à durée déterminée que pour une
mission temporaire dont la nature et la durée doivent être définies lors de
l’embauche ».
Or, Madame X collaborait, en tant que journaliste,
depuis 7 ans cumulés avec MFP pour
l’émission « Ce soir (ou jamais !) », ce qui exclut tout caractère temporaire.
Il est dès lors interdit, dans le secteur
de l’audiovisuel, de recourir à un CDD d’usage pour employer un journaliste.
En outre, Madame X plaidait qu’elle a occupé, dans le
cadre de chacun des contrats à durée déterminée exécutés pour MFP des fonctions de Journaliste, fonctions à
caractère permanent et indispensables à la fabrication et à la diffusion
quadrihebdomadaire, puis hebdomadaire de l’émission « Ce soir (ou
jamais !) ».
2.2) Sur les conséquences de la requalification des
CDD d’usage successifs de Madame X en CDI
Madame X plaidait que devant être considérée comme
salariée de MFP, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, la rupture du
30 mai 2016 doit s’analyser en un licenciement, aucune lettre de licenciement
ne lui ayant été notifiée.
La journaliste réclamait un préavis, les congés payés
afférents, l’indemnité de licenciement des journalistes et une indemnité pour
licenciement sans cause.
3) Jugement du 2 décembre 2016 du Conseil de Prud’hommes
de Paris
Par jugement du 2 décembre 2016, le Conseil de
prud’hommes (encadrement) fait droit partiellement aux demandes de la
journaliste.
Le Conseil de Prud’hommes requalifie
les CDDU en CDI et considère que la rupture s’analyse en un licenciement sans
cause réelle et sérieuse.
Le Conseil de Prud’hommes a octroyé à la journaliste
64.054 euros bruts comme suit :
- Indemnité de requalification : 3.745 euros ;
- Indemnité compensatrice de préavis : 11.234,10 euros ;
- Congés payés afférents : 1.123,41 euros ;
- Indemnité conventionnelle de licenciement : 24.752,46 euros ;
- Indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse : 22.500 euros ;
- Article 700 du Code de procédure civile : 700 euros.
Le jugement doit être notifié dans les prochaines
semaines et les parties pourront le cas échéant interjeter appel dans un délai
d’un mois.
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