vendredi 25 novembre 2016

France TV/Bygmalion: le méthodique réquisitoire du Procureur de la République Serge Roques.

France TV/Bygmalion: le méthodique réquisitoire du Procureur de la République Serge Roques.

« Il fallait que tout change pour que rien ne change ». Ce pourrait-être dans ce dossier Bygmalion/France TV, la phrase clé de tout son brillant réquisitoire

Le Procureur de la République Serge Roques qui avait qualifié de"hors sol" la QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité) qu’avait transmise moins d’un quart d’heure avant le début de la première audience, Maitre Florence Rault avocate de Bastien Millot, a donc demandé au Tribunal de prononcer des peines sérieuses et d’entrer en voie de condamnations contre les prévenus.

Des prévenus, il a mis en avant le manque de courage et le fait de se renvoyer la responsabilité « Les prévenus se rejettent la responsabilité et campent sur leurs positions ».

« Pourtant, dès la première audience nous avons pris connaissance du parcours des trois prévenus, amplement qualifiés en principe et pour ce faire particulièrement loquaces » ajoutait le Procureur.

« Ils se sont livrés à un plaidoyer pro domo, à un exercice d'autosatisfaction mais ce n'est pas notre sujet » a-t-il enchéri.

Patrick de Carolis nous a raconté sa brillante carrière de journaliste et d’écrivain mais pas d’administrateur… puis sa nomination par le CSA comme pédégé de France Télé qui l’a conduit à recruter des collaborateurs qu’il a choisis avec discernement (dixit).

Camille Pascal agrégé d'histoire directeur de cabinet de Dominique Baudis président du CSA et actuel conseiller d'État.

Bastien Millot a participé à des multiples cabinets ministériels avec Damien Cuier et Guy Alvès aux côtés de Jean-François Copé avant de créer Bygmalion.

Ils connaissaient donc parfaitement tous trois l'Audiovisuel public. Carolis a même  confirmé - ce  sont ses mots - que France Télévisions revêtait une importance particulière pour le Politique.

« C'est donc évidemment un poste politique ».

Carolis a même parlé de Clash vis-à-vis de Nicolas Sarkozy. Il a utilisé des métaphores maritimes mais aussi des métaphores guerrières « Il a parlé de champ de bataille ».

En revanche, il a fait preuve de beaucoup moins de courage sur les faits qui constituent votre saisine. Après le bouleversement qu'a constitué la suppression de la pub en 2008, il a dit avoir donné des consignes visant à faire des économies : ne pas remplacer les partants par exemple !

C’est probablement pour cela qu’au moment de départ de Bastien Millot membre de la direction et très proche de Carolis, il a décidé d’externaliser ce que son « dir com de la stratégie et du développement » et de confier à Bastien Millot (Bygmalion) ce que Bastien Millot faisait en interne.

Les faits sont clairement établis de la part des prévenus. La question porte sur l'impartialité. Les prestations litigieuses on les connaît, elles existent.

La chronologie.
Il y a des factures puis après des bons de commande – c’est assez curieux, généralement c’est l’inverse –  et dans un temps assez proche du départ de Bastien Millot (moins de trois jours), un premier contrat en date du 31 octobre 2008 (*) le contrat fantôme que personne a donné lieu à des paiements réguliers.

(*) Ce jour-là Bastien était toujours membre du comité directeur.

Au 1er novembre tout se met en place sans mise en concurrence. Ceci est absolument incontestable.

La « régularisation » a posteriori qui ne peut être considérée comme une réelle mise en concurrence. Pourtant l'ordonnance du 6 juin 2005 était bien applicable ; tout le monde en était conscient (pièces  D13 et D23). « Ses principes doivent être respectés dès le premier euro » réaffirme
le Procureur de la République Serge Roques.

Peu important dès lors qu’il ait été procédé à un fractionnement artificiel des marchés appelé aussi « saucissonnage » alors qu'il y avait unicité d'objets.

Cela n'a pas grand-chose à voir car de toute façon, il n'y a pas aucune mise en concurrence.

Les marchés conclus consistent, en réalité, à une même prestation avec un interlocuteur unique. Factures concomitantes.

La règle était connue, elle était actée. Une pièce le montre clairement la lettre des deux ministres de Tutelle.

La sanction au délit de favoritisme est claire (arrêt du 17/06/2006). L'interprétation retenue par la Cour de cassation s'applique immédiatement. Les règles européennes et constitutionnelles sont également extrêmement claires et applicables dès le premier euro

La jurisprudence coulait de source.

Le procureur va évoquer ensuite le cas individuel de chacun des prévenus.

La clé réside dans les relations professionnelles de Bastien Millot avec Carolis qui s’est manifestée au moins cinq occasion dès 2005.

« Il fallait que tout change pour que rien ne change » lance-t-il

« Personne n'est irremplaçable disait Carolis et pourtant Carolis va continuer avec Millot. Son « départ »/ « une catastrophe, un coup de tonnerre, le début de la fin » avait-il dit  Il fallait donc le garder « autrement ».


Millot disait craindre que le mandat (de Carolis) ne puisse se dérouler voir même aller jusqu'à son terme (Cf l'entretien du « Point » extrêmement clair).


Les relations entre Patrick de Carolis et Bastien Millot vont donc continuer comme si de rien n'était. Impossible de penser qu'il en soit autrement.

Le décideur est bel et bien Patrick de Carolis. Il n'y a dans le dossier aucune délégation de pouvoir et quand bien même, elle ne serait pas exclusive d'une  responsabilité pénale du pédégé ( arrêt chambre criminelle 19 juillet 2007)

Le favoritisme est donc imputable au président Patrick de Carolis.

Camille Pascal hautement qualifié et expérimenté, n’a cessé de le monter tout au long des débats. Sa position est différente de celle des deux autres prévenus; il est le seul à assumer les conséquences. Camille Pascal en partie subie.

Il a signé les deux contrats suivants qui représentaient entre 15 et 20 % de l'activité et du chiffre d’affaires de Bygmalion sans avoir en main « le contrat fantôme » du 31/10/2008 et de toute façon sans qu’il y ait mise en concurrence.

La thématique du conflit d'intérêt est bel et bien là.

Bastien Millot, lui, a entretenu un flou artistique et s'est employé à banaliser les conditions de son départ. Il a agi envers Carolis comme une sorte de « pousse au crime ».

En conséquence, le procureur a donc demandé au Tribunal d’entrer en voie  de condamnation pour favoritisme - un délit qui ne doit et ne peut être banalisé peine -  et de prononcer des peines sérieuses.

jeudi 24 novembre 2016

Procès Bygmalion/FTV: les avocats du SNPCA-CGC vs FTV.

Ce qui s'est passé en début d'après-midi devant la 32ème chambre correctionnelle du TGI de Paris est assez inhabituel. (C'est un moindre mot) 

A Maître Michel Pitron, l'avocat intervenant pour France Télévisions qui évoquait ainsi les trois syndicats parties civiles (SNPA-CGC, CFDT et SNJ) "de l'autre côté de la barre", la présidente a du tribunal a lancé "Maître, n'êtes-vous pas du même coté de la barre? " 

Maria Cornaz l'avocate du SNPCA-CGC partie civile, elle, a tout d’abord démontré que les deux critères qui consacrent le délit de favoritisme étaient bien totalement réunis.

Élément matériel et élément intentionnel caractérisés, a-t-elle brillamment plaidé rappelant encore et toujours qu'aucune mise en concurrence - contestée par personne du reste - n'avait été réalisée.

Elle a rappelé qu’aucune règle des trois devis n’existait contrairement aux allégations des prévenus et que de toutes façons, « il n’y avait eu en l’état, ni trois devis, ni deux devis, ni un devis et d'ailleurs aucune mise en concurrence du tout »  de 2008 à 2013 alors que les textes étaient pourtant entrés en vigueur en juin 2005. 

«L'accomplissement de l'infraction commise en toute connaissance de cause" caractérise le délit et c'est bien le cas ici » a-t-elle ajouté. 

« C'est en toute connaissance de cause que les prévenus n'ont pas respecté ordonnance de 2005 » (trois ans après sa transposition et le décret qui l'a rendait impérative en Droit français) a-t-elle enchérit en développant les arguments développés au cours des audiences et notamment dans le rapport annuel de la Cour de Cassation mais aussi dans le récent rapport de la Cour des comptes.

Maitre Pierre-Olivier Lambert qui a remarquablement co-plaidé pour le Syndicat National des Personnels de la Communication pour la CGC qui a fait éclater l'affaire, a ancré lui son propos dans "l'obligation d'exemplarité pour des dirigeants d’une grande entreprise de plus de 10.000 salariés a fortiori du Service Public".
Ce procès était l’occasion de rappeler aux dirigeants publics leur devoir d'exemplarité: "Il leur est demandé de servir et non pas de se servir." a-t-il indiqué.

«Le délit prend sa source en 2008 c'est donc bien normal que les faits soient poursuivis de 2008 à 2013 » précise-t-il. 

Et d’avancer ses arguments : « La Cour des Comptes dans son récent rapport - page 73 - indique que depuis 2009, six rapport de l'audit interne se sont succédés. Elle met en avant la récurrence pendant toutes ces années de ce qu'elle appelle le recours à "des  prestataires historiques" sans qu’aucune mise en concurrence ne soit réalisée ».

Se tournant vers les prévenus dont il constate « le manque de courage et le sentiment d'impunité » sur l'air de « Je  ne savais pas que c'était interdit et je ne savais pas que c'était puni », il a regretté qu’à l’heure de la vérité, bien peu aient fait ce choix et l'assument…à part peut-être l’ex Secrétaire Général qui, lui seul, a dit « assumer sa signature et ses conséquences».
 
Pour lui la fourniture « d'éléments de langage » que d’autres appelleraient « langue de bois » comme le fait de « décrypter les relations avec le politique » - prestations finalement payées si chères par le contribuable sans mise en concurrence – n’expliquent en rien les manquements constatés.

Maître Pierre-Olivier Lambert qui a ensuite listé « les images maritimes » que Patrick de Carolis n’a cessé d’utiliser pour tenter de justifier l’injustifiable "le commandant du navire, les yeux tournés vers l'horizon, la barre tenue bien ferme, etc..." s’est dit abasourdi que "des dirigeants à qui l'on demande exemplarité et discernement avec de l'argent public" aient ainsi pu le gaspiller (le terme gaspillage est aussi celui de la Cour des comptes)

Enfin, avant de passer la parole à France Télévisions qui s'était assez incroyablement constituée partie civile par l'intermédiaire de Pflimlin le lendemain de son audition par le juge Renaud Van Ruymbeke qui venait de le  placer sous statut de témoin assisté, dont il a dit attendre l'intervention avec le plus grand intérêt, il a conclu avec un nouveau pavée dans la marre de Carolis. 

"La Cour des Comptes qui pour rendre son récent rapport a indiqué les noms de celles et ceux parmi les dirigeants et/ou ex dirigeants de France Télévisions à qui elle avait demandé de répondre, Carolis avait été été le seul à ne pas avoir répondu"


Est donc venu le tour de FTV (constitué "partie civile" donc) sur lequel nous passerons très vite, tant la prise de position est flagrante et les déclarations de l'avocat de Carolis pour ses chantiers de 2007, va totalement à l'encontre des trois syndicats parties civiles. 
"Si des infractions ont été commises, je serais furieux pour l'entreprise que je représente. Ce serait un paysage de désolation durablement abîmé" a déclaré Maître Michel Pitron, s'empressant de dire que bien entendu pour lui "l'ensemble des procédures avaient été  respectées". 

Il a osé ajouter "Tout allait bien et tout était conforme aux manuels établis par Olivier Debargue dès 2006" ...Circulez, il n'y a rien à voir!  

Quant à sa cliente France Télévisions, ce serait même elle, selon lui, qui "a tout fait pour aider l'instruction, a fourni des pièces pour éclairer le Tribunal et nourri le dossier quotidiennement ...enfin pas quotidiennement mais régulièrement" a-t-il déclaré.

Hallucinant! Il a fini par indiquer - si le Tribunal devait prononcer des condamnations, ce dont il doutait (tant il serait meurtri pour l'entreprise!) - ne pas pouvoir calculer, huit ans après, à combien évaluer un quelconque préjudice financier!

S'agissant enfin du possible préjudice moral et d'image, il serait selon lui inchiffrable. "C'est  l'actionnaire, c'est l’État, ce sont les Français donc les contribuables qui paient la redevance qui sont concernés..." a-t-il lancé. Quid des salariés de France Télé? Pas un mot!
"Faudrait-il  donner à chaque français un euro symbolique?  Pas sûr! C'est le tribunal qui décidera du montant, si tant est que le tribunal trouve une infraction" a-t-il fini par s'interroger.  
Il n'a demandé contre les prévenus - s'ils étaient condamnés - qu'1€ symbolique!  

Houaouu... Là ça chiffre tout de suite. 

Avec une telle partie civile, les prévenus ont dû trembler !


France TV/Bygmalion: Le prévenu « Carolis n’a pas dirigé France Télé, il a gouverné » !!!



Bygmalion/ France TV: Le prévenu  « Carolis n’a pas dirigé France Télé, il a gouverné » !!! 

C’est l’hallucinante phrase qu’a lancée Maître Michel Beaussier à l’adresse du Tribunal et du Procureur de la République « Carolis n’a pas dirigé France Télé, il a gouverné »...et donc selon lui, ça changerait tout !!!! 

Sur l’air de « ni responsable, ni coupable », l’avocat du Prévenu Carolis contre qui Serge Roques le procureur après un imparable réquisitoire des plus clairs et des plus étayés, venait de requérir six mois de prison avec sursis et une amende de 25.000 euros, a donc tenté des trémolos dans la voix de dédouaner le donneur d'ordres qu'était Carolis avec cette invraisemblable "doctrine toute personnelle". 

Ces petites gens, ces cochons de contribuables/payeurs, ces « redevanciers » bons à ne mettre que la main à la poche, ces salariés désabusés de la télé publique, ces  téléspectateurs de France Télé de moins en moins nombreux, ces petits justiciables exclusivement, ne peuvent évidement pas comprendre ! 

Eux, s'ils grillent un feu ou passent au rouge, ils paient et son condamnés mais pas ceux qui "gouvernent" !  

Autrement dit, l’ex pédégé de France Télé Carolis à qui Pflimlin a succédé, est donc au-dessus de tout « ça »…les lois, les ordonnances, les directives, les lettre des ministres a fortiori de Tutelles, les grands principes auxquels tout français doit se conformer, l’ex président de France Télé de 2005 à 2010 semblerait donc selon son Conseil, avoir été le seul à pouvoir en être exempté. 

« Carolis n’a pas dirigé France Télé, il a gouverné » comment faut-il que Maître Michel Beaussier le redise ! Par conséquent et à ce titre, les attaques des organisations syndicales qui s’étaient constituées en parties civiles, seraient non fondées et qui plus est pour d’une rare violence pour ce dernier.

Ben voyons ! 

A Carolis et son avocat, les petites gens dont le blog CGC Média se fait ici le relai, propose de méditer deux citations, histoire qu'ils redescendent sur terre et qu’ils réfléchissent à cette indécente "défense" en attendant la décision du Tribunal mise en délibéré au 19 janvier  2017. 

« La radio et la télévision fabriquent des grands hommes pour de petites gens » Gilbert Cesbron (Artiste, écrivain [1913 – 1979])

Et puis et surtout « Gouverner c’est prévoir » Émile de Girardin, (Journaliste et homme politique français [1802 – 1881])