Il y a 48 heures, le blog
CGC Média publiait un article intitulé « L’ORTF
est mort, vive l’ORTF ! »
Le même jour, Aude
Dassonville avec Richard Sénéjoux pour Télérama en publiaient un autre « ORTF, le retour ? »
sous-titré « Audiovisuel
public : le plan plus si secret du gouvernement pour tout faire péter ».
Nous ne résistons pas à la joie de vous faire
découvrir cette enquête qui fait bien évidemment référence à la "Contribution ministérielle aux travaux du CAP 2022" daté du 3 novembre 2017.
"Un document interne au
ministère de la Culture, révélé par “Le Monde”, montre la volonté de l’exécutif
d’envisager une réforme de l'audiovisuel public sans tabou. Le débat est lancé.
Et si l’audiovisuel public se
trouvait à la veille d’un nouveau big bang ? Si l’on se fie au document de
travail du ministère de la culture révélé par Le Monde hier après-midi, le moins que l’on puisse dire est que
le gouvernement envisage l’avenir de France Télévisions, de Radio France, de
France Médias Monde et de l’INA sans aucun tabou. Création d’une holding
commune qui regrouperait toutes ces sociétés, suppression de France Ô, mutation
de France 4 et du Mouv’ en médias numériques, etc.
Cette compilation
d’idées est tellement explosive que la ministre de la Culture, Françoise
Nyssen, a annoncé son intention de porter plainte contre X.
Raison invoquée : ce document,
encore provisoire, n’avait pas vocation à être connu en l’état… Voire. En juin
dernier Libération avait publié
des options de réforme du code du travail d’un genre radical, elles aussi
censées restées confidentielles. Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, avait alors porté
plainte, avant de faire adopter, sans grande opposition, les ordonnances
réformant le code du travail. De là à penser que la technique qui consiste à
annoncer un tremblement de terre pour préparer les esprits à une grosse
secousse ne soit pas utilisée pour chambouler l’audiovisuel public, il n’y a
qu’un pas. Après tout, d’autres gouvernements l’ont déjà utilisée avant.
Pour beaucoup, les pistes de réforme
qui figurent dans cette « contribution
au Comité action publique 2022 » (destinée à trouver comment
réduire les dépenses de l’État) ne sont pas nouvelles.
Ressusciter
l’ORTF ? Un vieux fantasme, surtout à droite. Priver Mouv’ de ses
trente-deux fréquences hertziennes ? Mathieu Gallet en avait
l’intention, au cas où la relance de cette antenne musicale destinée aux jeunes
n’aurait pas les effets escomptés. «
Reconfigurer les orchestres » de Radio France (au motif qu’au
nombre de deux il y en aurait un de trop), l’idée n’est pas neuve et à
manier avec des pincettes : elle avait contribué à mettre le feu à la
Maison ronde en 2015 et s’en était suivie la plus longue grève de l’histoire de la radio française.
Depuis, le sujet était traité dans la sérénité… Basculer France 4 sur le
numérique ? La BBC l’a fait avec sa propre chaîne jeunes depuis début
2016.
« Personne ne peut se dire surpris des
orientations contenues dans ce document de travail, reconnaît Laurent Vallet, le président de l’Institut national de
l’audiovisuel. Il suffit de se
reporter au programme du candidat à la présidentielle Emmanuel Macron pour s’en
convaincre. » Problème : tout le monde n’est manifestement pas
convaincu, à commencer par les dirigeants des chaînes et des radios
publiques, qui n’ont eu de cesse de dire tout le mal qu’ils pensaient
notamment du désir de regroupement de leurs sociétés respectives. Engager le
processus d’une fusion, c’est « être
absorbé pendant au moins dix ans par les enjeux sociaux qui concernent dix-huit
mille personnes », nous confie l’un d’eux. « Le coût social que représenterait
l’alignement des accords d’entreprise serait énorme », assure un
deuxième. Auteures pour la Commission des affaires culturelles et de
l’éducation de l’Assemblée d’un rapport plutôt sensé et juste sur l’audiovisuel
public, les députées LREM (La République en marche) Frédérique Dumas et
Béatrice Piron se prononçaient elles aussi farouchement la semaine dernière
contre toute fusion. Seuls les sénateurs semblaient trouver qu’un regroupement
des quatre entreprises à l’horizon 2020 était souhaitable…
Nouvelle redevance
Jusqu’à lundi dernier au moins,
l’avis de Mathieu Gallet, de Delphine Ernotte, de Marie-Christine Saragosse et
de Laurent Vallet sur l’avenir de leurs entreprises semblait compter un peu. Le
Premier ministre, Edouard Philippe, leur avait demandé de réfléchir au
périmètre et aux missions du service public, ou encore aux coopérations qu’ils
pourraient mettre en œuvre – ce qu’ils ont fait, remettant le produit de
leurs cogitations au ministère de la Culture pas plus tard qu’hier. Nul doute
que chacun aura pris soin de ne pas émettre d’idées trop opposées à celles du
président de la République. Gageons aussi que les uns et les autres auront
su rappeler les économies déjà consenties par leur entreprise, et les
investissements opérés dans la numérisation de leurs médias respectifs.
Surtout, ils auront insisté sur leur capacité à créer des synergies et des
collaborations : France Télévisions et Radio France ont déjà mis sur pied
la chaîne et le site Franceinfo (auxquels sont associés France Médias Monde et
l’INA), et une nouvelle coopération entre les deux entreprises est en cours de
construction dans le domaine de la culture. Les deux entreprises n’échapperont
sans doute pas au rapprochement de France 3 et de France Bleu. Évoquée il y a
quelques jours (Le Figaro du
26/10) par Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics,
« la fusion ou du moins une
mutualisation » des deux réseaux n’a pas déchaîné l’enthousiasme
– prudente, Françoise Nyssen a parlé de « vocation à coopérer » des deux sociétés. Dans une interview au JDD
il y a dix jours, Mathieu Gallet se contentait d’évoquer le rapprochement de « certaines implantations
immobilières » et la mise en place d’une « offre numérique d’information locale » commune...
Enfin, ils auront dessiné les
contours d’une nouvelle redevance – non plus liée à la détention d’un
téléviseur, un objet bientôt obsolète, mais à l’universalité de l’accès à la
télévision et à la radio. Bientôt, d’ailleurs, on ne parlera plus que de ça,
et si le projet de holding se confirme, les spéculations sur le mode de
désignation de son futur dirigeant (mais aussi son profil, voire son identité)
iront bon train. Le chantier le plus urgent, pourtant, ne réside-t-il pas
plutôt dans le renforcement de l’audiovisuel public face à la concurrence
internationale des Google-Amazon-Facebook-Netflix ? Coïncidence :
Médiamétrie dévoile, ce mardi, une étude qui montre que plus d’un
téléspectateur sur cinq utilise un service de SVOD – Netflix en tête
– et qu’ils y trouvent leur compte… Dans sa note produite avec Terra Nova (le laboratoire d’idées
proche d’Emmanuel Macron) il y a quelques jours, Mathieu Gallet insistait
d’ailleurs sur les défis mondiaux auxquels le secteur est confronté. Delphine
Ernotte lui emboîte le pas cet après-midi : dans une tribune publiée par Le Monde, la présidente de France
Télévisions propose opportunément de lancer, en 2018, des « états généraux de
l’audiovisuel » autour d’« un
projet numérique d’ambition européenne ». De fait, son entreprise
est souvent pointée, en off, comme la moins bien préparée aux défis des
nouveaux usages des téléspectateurs… malgré un budget de 2,8 milliards d’euros."
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