La déclaration sur les conflits d’intérêts que l’on demande de
remplir et signer à chaque salarié est une insulte à la loyauté et à
l’honnêteté de chacun. Surtout venant d’une Direction qui tente par
cette manœuvre de ripoliner un passé et des pratiques actuelles qui ne
sont pas au-dessus de tout reproche et soupçon.
« Détenez-vous,
directement ou indirectement, un intérêt dans une entreprise ou une
entité concurrente ou en relation d’affaire avec la société ou le groupe
France Télévisions ? Exercez-vous des fonctions rémunérées ou non pour
le compte d’une société ou d’une association ou tout autre entité, de
nature à influencer – ou paraître influencer – l’exercice indépendant,
impartial et objectif de votre fonction ? Si la situation d’un de vos
proches semble être susceptible de créer un conflit d’intérêts avec
votre travail dans le groupe FTV, il est important d’en informer votre
responsable… »
« Ah
ben oui évidemment ! C’est bête j’y avais pas pensé avant ! ». Voilà ce
que chaque salarié de France TV s’est dit en recevant ce document
baptisé « Procédure relative à la prévention des conflits d’intérêts ».
C’est bien connu, chaque machiniste possède des actions dans deux ou
trois boîtes de prod qui tournent nuit et jour à la Plaine Saint-Denis,
tout salarié-e- de la RH, pointe aussi comme consultant
auto-entrepreneur, ceux de la paie cumulent dans l’expertise comptable,
les ingénieurs réseaux doublent chez IBM, les graphistes chez Disney,
les monteurs dans les séries Netflix et bientôt Salto et bien sûr les
journalistes se démultiplient entre leurs boîtes de prod, les films
d’entreprises, les conseils en com’ de crise et le média-training. C’est
bien connu.
Et dans un mail récent, la Direction nous rappelle à l’ordre de signer ce document car « c’est une obligation légale ».
« Ah c’est vrai, se redit le salarié, merci de me le préciser car être
loyal avec mon employeur, ben en fait, j’y avais pas pensé avant ce beau
document ! ».
La
réception de ce document et son injonction associée est vécue comme une
insulte par l’ensemble des salariés et comme une ineptie car nombreux
sont les textes, de la convention collective, de la charte éthique
jusqu’à la charte de déontologie des journalistes qui précisent cela, en
plus du code pénal bien sûr. Ce sont des textes qui – en surplus du bon
sens dont nous ne sommes quand même pas 9000 à en manquer totalement –
s’imposent à tous.
Non
ce qui nous hérisse, c’est qu’en fait la Direction aurait tout aussi
bien pu se l’envoyer à elle-même, ce document, pour lui rappeler ses «
obligations légales ». À elle-même et à quelques-unes de ses figures de
proue. Dans ce cas elle aurait pu rédiger le document de manière
beaucoup plus ciblée et plus précise et éviter d’encombrer notre
messagerie.
Le
fait de présider une entreprise publique et de siéger au conseil
d’administration d’une entreprise du CAC 40 qui traite des marchés
internationaux d’environnement notamment, risque-t-il de vous placer en
situation de conflit d’intérêts ?
Le
fait d’occuper un haut poste d’une entreprise publique et que votre
compagne obtienne un contrat de communication pour « la journée
internationale des femmes », avec production de clips qui mettent en
scène des animateurs du groupe, pose-t-il un problème de conflits
d’intérêts, voire de prise illégale ?
Le
fait d’être présentateur d’un journal d’une chaîne d’un groupe public
de télévision, d’être parallèlement propriétaire et/ou actionnaire d’une
société de production, qui elle-même produit des magazines pour le
journal que vous présentez, est-ce susceptible de créer une « situation
apparente de conflits d’intérêts » ? Le fait que le présentateur lance
lui-même les reportages que produit sa société, peut-il créer une
situation de conflit d’intérêts ?
La
tradition, qui veut que les directeurs-trices- d’unités de programmes
quand ils quittent leurs fonctions, se reclassent régulièrement et
immédiatement, dans des sociétés de production dont il étaient les
donneurs d’ordre la semaine d’avant, est-elle de nature à créer une
suspicion de conflit d’intérêts de manière rétroactive ?
Nous
laisserons pour l’instant de côté, l’appartenance et la participation
active aux soirées de l’association des « dîners du Siècle » qui
regroupe le gratin des gens qui comptent ici-bas et ceux, comme le n°3
de FTV, qui voient opportunément apparaître leur conjoint sur une
antenne pour vanter les mérites de leur site internet marchand.
Mais
nous ne laisserons pas de côté ce cadre de la DRH qui ose se présenter –
tête de liste – sur son affiche de campagne aux municipales, comme
« responsable des relations sociales dans l’audiovisuel public ET
chef d’entreprise. C’est donc de ces gens-là que nous viennent ces
injonctions et ces petites leçons de savoir vivre en société publique.
Chacun jugera.
Franchement,
nous serions très curieux de constater comment ces hauts personnages
remplissent leur « obligation légale ». Pour motoriser cette opération,
la Direction s’appuie sur l’interprétation d’une phrase de l’article 3.6
des accords collectifs FTV de 2013 mais qui n’avait jamais été mise en
oeuvre de la sorte jusque-là. La machine bureaucratique de FTV
ne manque donc jamais de moyens pour ce genre de manœuvre, tandis que le
reste de l’entreprise tire le diable audiovisuel par la queue.
Alors, sans vouloir créer un « conflit sans intérêt », nous
conseillerons à chaque salarié de compléter et signer ce « document »,
de façon à ne donner aucun prétexte à une Direction qui ne laisse rien
passer à ceux d’en bas en ce moment. Pendant qu’on continue de se
goberger dans les étages et de pousser au départ via la RCC.
Il
est évident que cette « chose » n’a qu’un seul but, intégrer un dossier
« éthique » qui concourra à une labellisation de France TV dont,
rappelons-le, des ex-dirigeants ont été condamnés.
Comme l‘ancien PDG, oui. Pas le salarié de base comme vous et nous.
Et si jamais un jour, nous recevons toutes et tous un document officiel qui nous demande instamment : « De qui se moque-t-on à France TV ?« , nous saurons quoi répondre.