Frédérique Dumas, la députée spécialiste de l’Audiovisuel
propose au gouvernement de « revoir sa copie » après la suspension annoncée des réformes en cours.
Dans un entretien qu’elle accordé
à La Croix, Frédérique Dumas la députée des Hauts-de-Seine
affiliée au groupe Libertés et Territoires, estime
que le gouvernement devrait « revoir sa copie » sur la réforme
de l’audiovisuel, « passée cette épreuve [du Coronavirus, ndlr] qui réinterroge
en profondeur la société ».
Plusieurs jours avant que ne
soit déclaré le confinement au niveau national, Frédérique Dumas qui elle au moins sait
de quoi elle parle, n’avait pas ménagé sa peine dans les différentes commissions
où elle intervenait pour expliquer pourquoi le réforme sur l’Audiovisuel n’était
pas à la hauteur du big bang qu’appelait de ses vœux Emmanuel Macron.
Tantôt obligée de prendre la
défense du ministre Franck Riester incroyablement attaqué par sa rapporteure
Aurore Bergé qui s’est accaparé le texte qu’elle qualifie de « sa
réforme », tantôt à dire l’inutilité d’un holding style ORTF, tantôt à
expliquer que la suppression des chaines de France Télés de la TNT comme France
4 n’a pas de sens, etc…la
députée spécialiste de l’Audiovisuel qui y consacrait voilà 2 ans un très pertinent
rapport de près 300 pages, a répondu cash aux question de Aude Carasco.
Le blog CGC Média vous propose de découvrir l’article
de La Croix :
" La crise repose la question de la suppression de France 4 "
où s’exprime Frédérique Dumas :
La Croix : Le président de la République a annoncé la
suspension des réformes en cours. Le projet de loi audiovisuel, adopté et
remanié en commission parlementaire, devait être débattu en séance publique à
partir du 31 mars. Son adoption d’ici l’été vous paraît-elle encore réaliste et
que préconisez-vous ?
Frédérique Dumas : Avec
l’annonce du confinement, le Parlement ne peut plus travailler comme avant.
Beaucoup de choses vont être remises en cause et le calendrier d’avant l’été
sera difficile à tenir. J’espère aussi que les priorités ne seront plus les
mêmes, qu’il y aura des décisions de rupture, que ce ne sera plus le même
quinquennat.
La place du service public, et notamment celui de l’audiovisuel
public, doit être reconsidérée. En période de confinement, on préfère que nos
enfants regardent une chaîne ludique et éducative, sans publicité, et
accessible à tous sur tout le territoire.
La situation inédite que nous vivons, avec la recherche collective
de solutions pour mettre à disposition des contenus éducatifs en l’absence
d’école, repose-t-elle, selon vous, la question de la disparition de la chaîne
France 4 en août 2020 ?
F. D. : J’espère qu’il
sera possible de rediscuter de l’importance d’une chaîne pour enfants. En
commission parlementaire, les amendements demandant un moratoire sur la
suppression de France 4 ont été enterrés. Transférer une partie des programmes
jeunesse sur France 3 et France 5 risque d’affaiblir ces chaînes, qui réalisent
de bonnes audiences durant les vrais « prime time » des enfants, c’est-à-dire
en tout début de soirée. C’est de l’amateurisme.
Regardons ce qui se passe au Royaume-Uni ! La BBC a deux chaînes
pour la jeunesse. Elle n’a basculé sur le Web que celle destinée aux jeunes
adultes et constaté des audiences en chute de 85 %. Elle voudrait revenir en
arrière, mais c’est presque impossible tant les coûts de diffusion et des
programmes sont différents. Pour nous, il n’est pas encore trop tard.
Avec l’arrêt de France 4 sur la TNT, le service public tourne le
dos aux enfants
Se repose en effet la question de la pertinence de faire
basculer une chaîne pour enfants sur Internet, au mépris des fractures
territoriale, numérique et d’usage. Il faut la puissance d’une chaîne pour
pousser des programmes en délinéaire (services où l’utilisateur choisit).
France 4 est réellement devenue une chaîne pour enfants depuis
trois ans, avec de bons résultats d’audience. C’est le moment de renforcer ses
programmes éducatifs et sans publicité, ce qui légitimera d’autant plus le
paiement d’une contribution à l’audiovisuel public universelle à travers
l’impôt sur le revenu, avec modulation selon les revenus, comme je le propose.
Dans votre rapport actualisé sur " les médias de service
public à l’ère du numérique ", vous êtes très critique sur la mise en
place d’une holding, chapeautant les différents médias publics. La crise
actuelle change-t-elle là aussi la donne ?
F. D : Nous sommes dans une
crise de confiance. L’idéologie technocratique, où l’on nous explique que trois
personnes savent mieux que toutes les autres, donne l’impression d’une doxa
qu’on ne peut pas remettre en cause. Cette réforme enlève toute raison d’être à
l’audiovisuel public, car tout a été fait à l’envers : il aurait déjà fallu
débattre du rôle du service public en matière de cohésion, rétablir la
confiance au sein des équipes en proposant une transformation de l’entreprise
qui s’appuie sur un projet collectif, discuter des moyens, plutôt que de
vouloir couper et fusionner sans s’assurer de garde-fou en matière
d’indépendance.
Cette réforme de l’audiovisuel comporte aussi des avancées,
comme les quotas d’œuvres européennes et la participation au financement de la
création demandée aux plates-formes numériques. Cette partie, qui découle de
directives européennes à transposer d’ici septembre 2020, peut faire l’objet
d’un projet de loi séparé, comme ce fut pour le texte européen sur les droits
voisins. Pour le reste, le gouvernement devrait revoir sa copie une fois passée
cette épreuve, qui réinterroge en profondeur notre société.