lisez l'article dujournal Le Monde"La vente de France Télévisions Publicité contestée", par Laurence Girard
La vente de la régie publicitaire de France Télévisions à Publicis et Stéphane Courbit pose "un problème déontologique". Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, n'a pas fait dans le détail, lundi 29 mars, lors d'un déjeuner avec la presse, en critiquant énergiquement les conditions de cette cession. "Il va falloir qu'ils changent le périmètre de leur activité économique. Ils ne peuvent pas être juge et partie. On est dans une situation a priori malaisée à résoudre", a-t-il ajouté.
Ces déclarations du ministre de tutelle de France Télévisions interviennent au moment où Patrick de Carolis, PDG du groupe d'audiovisuel public, mène des négociations exclusives avec le tandem Publicis-Lov Group, la holding de Stéphane Courbit, pour céder 70 % du capital de France Télévisions Publicité (FTP). Un choix qui suscite des critiques et interrogations de plus en plus nombreuses.
La première voix à s'élever a été celle de Dominique Wolton, sociologue des médias, administrateur de France Télévisions, qui s'est abstenu, début février, lors du vote entérinant le choix du repreneur. "C'est un débat de morale publique. La télévision publique appartient aux Français. Il me semblait précipité de céder la régie alors que Bruxelles venait de retoquer la taxe sur les opérateurs de télécommunications qui devait compenser la suppression de la publicité à la télévision", explique-t-il avant de souligner les "conflits d'intérêts et l'impossibilité de bâtir une muraille de Chine entre la régie et les intérêts particuliers des repreneurs".
D'autres voix ont exprimé leur rejet du projet, comme celle de Guillaume Pannaud, président de l'agence TBWA-Paris du groupe publicitaire américain Omnicom (Le Monde du 12 février). En ligne de mire, l'entrée de son concurrent Publicis au capital de FTP, qui induirait, selon lui, des risques de conflit d'intérêts, le groupe publicitaire étant conseil en stratégie médias, acheteur d'espace publicitaire mais aussi vendeur d'espace.
Les sociétés d'auteur comme la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) et la Société civile des auteurs multimédias (SCAM) ont à leur tour tiré la sonnette d'alarme, demandant une "suspension immédiate du processus de vente". Elles arguent tout à la fois des problèmes économiques, affirmant "que le flou règne sur le financement du service public à long terme et que de nombreuses voix de parlementaires s'élèvent pour souhaiter le maintien de la publicité en journée après 2011", et des problèmes d'ordre déontologique, estimant que "le risque de conflit d'intérêts est loin d'être nul, les acquéreurs ayant déjà des positions établies dans la production audiovisuelle et dans l'achat d'espaces publicitaires".
Des questions que se sont posées les deux groupes de travail créés par France Télévisions et qui avaient mandat du conseil d'administration pour étudier les garanties de cession de FTP. L'un piloté par Damien Cuier sur les aspects commerciaux et concurrentiels, l'autre par Patrice Duhamel sur les aspects éditoriaux. Ce dernier, qui a auditionné M. Courbit, a conclu à l'impossibilité de conjuguer activité de production et activité de régie, en se plaçant sur le plan de l'éthique. Or, M. Courbit, par le biais de sa société de production Banijay, possède la société de l'animateur et producteur Nagui, qui vend de nombreuses émissions au service public.
Ces conclusions pourraient être soumises aux administrateurs lors d'un prochain conseil fixé au 13 avril. Le processus de cession de FTP est-il plombé ? Certains le pensent. Ils évoquent une réunion à l'Assemblée nationale, prévue le 7 avril, ayant pour thème la télévision et la publicité un an après la loi de mars 2009, qui a entériné l'arrêt de la publicité sur France Télévisions après 20 heures en 2009 et sa suppression totale fin 2011. C'est cette loi, dont l'initiateur n'était autre qu'Alain Minc, conseiller de M. Courbit et actionnaire de sa holding financière, qui avait justifié le processus de cession de FTP. Or, des députés s'expriment pour un maintien de la publicité avant 20 heures. Ce qui remettrait en question la nécessité de la vente de la régie.
Mais en toile de fond se joue une autre bataille politique, celle de la succession de M. de Carolis, dont le mandat expire en août.
Laurence Girard
Article paru dans l'édition du 31.03.10
Il convient, ici, de toujours avoir en mémoire l'interview de Carolis du 5/02/10 au JDD: « France Télévisions n’a subi aucune influence. Si je devais me soucier de tous ceux qui prétendent avoir l’oreille du pouvoir, ma journée n’y suffirait pas. »!!!!!
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