Une
plainte pour harcèlement sexuel et moral vise apparemment l’ex bras droit de Thierry Thuillier sur France
Télés qu’il a fait venir sur TF1 et qu'il connait bien.
Dans un article au vitriol publié
ce 31 octobre et intitulé
«"Attention à Monier" : enquête surl'ex-ponte de France 2 accusé de harcèlement sexuel », le site BuzzFeed fait état de la plainte qu’a
déposée contre lui qu’Anne Saurat-Dubois, aujourd’hui journaliste pour BFM-TV.
Anne Saurat-Dubois, journaliste
pour BFM-TV, attaque donc son ancien chef pour harcèlement sexuel selon BuzzFeed
qui écrit un long article sur le sujet que le blog CGC Media vous propose de
découvrir intégralement ci-après:
"Treize autres journalistes qui
travaillaient sous ses ordres racontent les dérives de celui qui dirige
aujourd'hui la rédaction de LCI. Anne Saurat-Dubois, journaliste pour BFM-TV,
attaque son ancien chef pour harcèlement sexuel. Treize autres journalistes qui
travaillaient sous ses ordres racontent les dérives de celui qui dirige
aujourd'hui la rédaction de LCI.
Joint par téléphone, Éric Monier
n'a pas souhaité répondre.
«Horresco
referens», du latin pour «je frémis en le racontant». C'est l'une des maximes préférées d'Éric Monier, directeur
de la rédaction de LCI. Une phrase que pourrait prononcer aujourd'hui Anne
Saurat-Dubois, journaliste pour BFM-TV, qui a décidé de briser le silence. La
journaliste a porté plainte lundi auprès du procureur de Paris. Elle accuse
Éric Monier de harcèlement sexuel et de harcèlement moral, lorsque celui-ci
était directeur de la rédaction de France 2.
Selon Anne Saurat-Dubois, son
refus de coucher avec son supérieur hiérarchique a entraîné la fin de son
parcours professionnel à France 2. En plus de son témoignage, BuzzFeed News a
pu s'entretenir avec 13 journalistes, dont 12 femmes, qui ont travaillé avec
Éric Monier. Ces témoins racontent le sexisme pesant qu'il faisait régner, ses
remarques de «gros dégueulasse» et l'avertissement que les femmes se passaient
entre elles : «Ne restez pas seule avec lui.» Des informations qu'Éric Monier
n'a pas souhaité commenter.
Plainte
pour harcèlement sexuel et moral
Ce 31 octobre, les services du
procureur de Paris ont reçu la plainte d’Anne Saurat-Dubois. La journaliste
porte plainte contre Éric Monier pour harcèlement sexuel et harcèlement moral.
Selon nos informations, c'est un déjeuner en 2012 qui est au cœur de la
plainte. Alors que la jeune journaliste travaille en CDD pour France 2, Éric
Monier lui propose un bilan de compétences autour d’un déjeuner. Elle prépare
une note sur son travail et les marges de progression qu'elle pense avoir au
sein de la rédaction. «La discussion a très vite dérapé sur sa vie sexuelle. Il
me parle de sa vie sexuelle d'avant, quand il était correspondant à
l'étranger», raconte la journaliste à BuzzFeed News. «À ce moment-là je suis
extrêmement mal à l'aise. Et là il continue, me dit que son type, c'est les
blondes de 25 ans. Là, je me tasse sur ma chaise, je commence à trembler. Puis
il m'a fait une proposition ferme.» Proposition que la journaliste doit refuser
plusieurs fois.
C’est alors qu’Éric Monier en
serait venu aux menaces, expliquant à la journaliste qu’il pouvait faire de sa
vie «un enfer», si elle s’obstinait à repousser ses demandes. Sous le choc, la
journaliste quitte son travail quelques jours, et revient à France 2 avec
l'espoir que cette menace ne sera pas mise à exécution. «Tout le monde sait
qu'il faut pas déjeuner seule avec lui» lui expliquent les collègues à qui elle
raconte le déjeuner avec Éric Monier. «Tout le monde était au courant de son
comportement».
Deux journalistes qui ont
recueilli les confidences d'Anne Saurat-Dubois dans les mois qui ont suivi le
déjeuner avec Éric Monier confirment le récit de la jeune femme auprès de
BuzzFeed News. Le premier, qui n'a pas souhaité témoigner, même sous couvert
d'anonymat, nous a fait part de la détresse de la jeune femme, et de la volonté
d'Éric Monier, selon lui, de mettre fin au plus vite à son parcours à France 2.
De son côté, Claire*, qui occupe actuellement un poste de
responsabilité à France Télévisions et qui préfère témoigner anonymement,
confirme les difficultés rencontrées par Anne Saurat-Dubois pour travailler sereinement
au sein de la rédaction. À l'époque, elles travaillent toutes les deux pour
l'émission «Télématin». «On devait tester tous les jeunes journalistes en
plateau. Pour voir s'ils étaient bons à l'antenne. Sauf Anne. Elle a été
refusée.» Pourtant, un membre de la production de l'émission décide de passer
outre. «Éric Monier est devenu agressif quand il l'a appris, sa réaction
semblait personnelle, et pas professionnelle, d'autant qu'Anne était très douée
dans ce qu'elle faisait», se souvient Claire. Finalement, la jeune femme lui
raconte le comportement d'Éric Monier, les avances refusées, et la rancœur de
son patron. «J'ai su tout de suite que c'était vrai, je n'ai pas été surprise
une seconde», explique Claire, qui a elle aussi eu vent des rumeurs qui courent
sur le comportement du directeur de la rédaction à l'égard des femmes.
«Avec une robe pareille, vous
pouvez rester.»
Les 12 autres femmes journalistes
à qui nous avons parlé évoquent le comportement dérangeant, la façon de
regarder les femmes, de leur parler.
Mathilde*
arrive à France 2 fin 2010. Elle a 21 ans. Un matin, alors que se tient la
conférence de rédaction quotidienne où l'on décide des thèmes qui seront
traités dans les journaux de la chaîne, elle se voit attribuer un sujet, mais
demande si elle peut rester un peu plus longtemps pour assister à la fin de la
conférence. Réponse d'Éric Monier, selon le récit de Mathilde : «Avec une robe
pareille, vous pouvez rester.» Autour de la table, personne ne relève. «Je me
suis dit que c'était un gros dégueulasse, mais que ce n'était pas grave», se
rappelle la jeune femme. Et puis elle raconte l'anecdote à ses collègues femmes
à la cantine. «Tout le monde savait qu'il était dégueulasse.» Elle se prépare
alors à ne pas céder à ses avances. «J'ai instauré très vite mon refus. Je l'ai
traité comme on traite un vieux lourd dans un mariage. Il ne me faisait pas
peur.» Viennent ensuite les invitations à déjeuner. Tout le monde lui intime de
ne pas s'y rendre. Mathilde déjeunera tout de même plusieurs fois avec Éric
Monier. Au cours de l'un de ses déjeuners, il lui demandera même si elle pense
qu'il a «un problème avec les femmes et avec le sexe».
«Surtout,
ne lui laisse pas croire qu'une ouverture est possible»
Après
son passage à France 2, Mathilde recroisera Éric Monier en 2015, alors qu'ils
travaillent tous les deux chez Elephant, la société qui produit «Sept à Huit»
pour TF1. Une société qu'Éric Monier rejoint après avoir été écarté de France 2. Mathilde et sa collègue
d'alors, Sandra*, se souviennent
parfaitement de cette scène. Un jour, Éric Monier entre dans un bureau où se
trouve un rédacteur en chef et plusieurs femmes journalistes et leur jette :
«Joli cheptel !»
Avant
Elephant, Éric Monier était connu comme le loup blanc à France 2. Celui avec
lequel une femme ne doit pas se retrouver seule trop longtemps. Inès* a été prévenue avant même de
commencer son travail pour la chaîne. Embauchée en 2015, elle reçoit un coup de
fil quelques jours avant le début de son contrat. Une ancienne journaliste de
la chaîne la félicite et lui explique au téléphone : «Fais attention à Éric
Monier.» Une autre journaliste, Laura*,
a reçu le même avertissement en arrivant à France Télévisions en 2014. «On m'a
dit qu'il avait quelques soucis avec les femmes.» On lui conseille alors
d'adapter son comportement en sa présence : «Il faut essayer de ne pas trop
s'en approcher. Faut pas lui faire de grand sourire. Et surtout, ne lui laisse
pas croire qu'une ouverture est possible.»
«Il m'a inspectée comme il
l'aurait fait avec un poulet dans une boucherie»
Au-delà
du «regard graveleux» d'Éric Monier, que plusieurs femmes évoquent, il y a ses
remarques.
Alice* y a eu droit.
Elle travaillait à «Télématin» depuis quelques semaines quand Éric Monier lui a
parlé pour la première fois. «Un matin, alors qu'il ne m'avait jamais adressé
la parole, il s'arrête devant moi, me regarde des pieds à la tête sans aucune
gêne, sans même tenter d'être discret et déclare : "Ah ouais pas
mal..." Et puis il a continué son chemin, sans rien ajouter. Son attitude
était sans équivoque, il m'a inspectée comme il l'aurait fait avec un poulet
dans une boucherie.»
Les
précautions sont de mise. À tel point que Flore* change sa façon de s'habiller pour se rendre dans son
bureau, un jour où il la convoque pour évoquer son travail. «C'était en août,
donc il faisait chaud. Mais je me souviens que par réflexe, je m'étais mis un
vêtement avec un col au ras du cou pour être sûre qu'il n'y ait aucun
malentendu. J'ai ressenti comme toutes les nanas une certaine gêne, un malaise
à côté de lui, de par son regard et sa façon de poser ses yeux sur nous. Mais
on ne peut pas poursuivre quelqu'un pour un regard graveleux.» Preuve que la
réputation d'Éric Monier est bien connue, Flore se rappelle l'une des premières
remarques qu'on lui a faites en commençant son contrat à France 2 : «Bah alors,
t'es passée sous le bureau pour avoir ton boulot ?»
«Je ne
me suis jamais autant sentie déshabillée du regard»
«Je
ne me suis jamais autant sentie déshabillée du regard que par ce type» confirme
Zoé*, qui a quitté France 2 en
2013. Elle se souvient d'une soirée à la rédac' où les journalistes
décompressent en buvant quelques verres. Éric Monier est présent. Il
complimente les fesses d'une journaliste. Puis se lâche à nouveau. «Là, il se
lance sur les prostituées africaines. Il explique qu'elles sont les meilleures
de la terre [Éric Monier a longtemps été correspondant en Afrique, notamment
à Dakar, ndlr]. C'était glauque et gênant, ça n'avait rien à faire dans une
soirée de service.»
Désormais
directeur de la rédaction de LCI
Pourquoi
ces témoignages ne font-ils surface que deux ans après ? Sans doute parce
qu'Éric Monier n'est pas n'importe qui.
Si la plupart des journalistes qui nous
ont parlé ont préféré rester anonymes, c'est aussi parce que l'homme appartient
au premier cercle de Thierry Thuillier.
A
l'époque où Éric Monier est accusé d'avoir harcelé Anne Saurat-Dubois, Thierry
Thuillier était directeur de l'information de France 2. Il l'a été de 2010 à
2015. Il a donc été son supérieur hiérarchique tout au long de la période où il
a été directeur de la rédaction. C'est d'ailleurs toujours le cas aujourd'hui,
puisque Thierry Thuillier est directeur général adjoint du pôle information du
groupe TF1, faisant de lui l'un des journalistes les plus influents de la
presse audiovisuelle française.
Dominique
Pradalié, secrétaire général du Syndicat national des journalistes (SNJ),
ex-déléguée syndicale centrale du SNJ à France Télévisions, assure que la
direction de France 2 a été avertie des méthodes «brutales» du directeur de la
rédaction. «En dépit des rumeurs et des évidences, aucune des femmes n'a voulu
pousser plus loin. Mais ce que je sais, c'est que moi-même, et à plusieurs
reprises dans des réunions avec la direction, j'ai fait état de sa brutalité et
de la façon abominable dont il parlait aux gens.»
Pour
Claire*, ex-journaliste de «Télématin», le limogeage d'Éric Monier en
2015 n'est pas un hasard. «Je pense que la direction de France Télévisions a
fait son boulot, avec les éléments dont elle disposait.» À l'époque, les
articles sur le départ d'Éric Monier évoquaient des «problèmes relationnels et de management avec
certains salariés», sans donner plus de détails. Les agissements
problématiques d'Eric Monnier ont semble-t-il cessé depuis qu'il travaille à
LCI. S'ils avaient eu vent de la réputation d'Éric Monier à France 2, plusieurs
journalistes de LCI nous ont affirmé n'avoir jamais été témoin ou avoir entendu
parler de comportements déplacés du directeur de la rédaction depuis qu'il
travaille au sein de la chaîne d'information.
Joint
par téléphone, Éric Monier n'a souhaité
apporter «aucun commentaire» sur la plainte déposée par Anne Saurat-Dubois. «Je
connais la personne que vous évoquez, oui, en effet, mais je ne suis pas au
courant de ce que vous me dites, du tout.» Interrogé sur les autres témoignages
que nous avons recueillis, Éric Monier a simplement indiqué «ne pas savoir» de
quoi nous lui parlions. «J'aimerais connaître la réalité de cette plainte et
puis on en reparle le cas échéant» nous a indiqué le journaliste.
Joint
par téléphone et par mail, Thierry Thuillier n'a pour le moment donné suite à
nos sollicitations."
*Les
prénoms ont été modifiés à la demande des témoins qui, travaillant toujours
dans le milieu du journalisme, craignent des répercussions sur l'évolution de
leur carrière.