La BBC rachido-delphinienne donnera le coup de grâce à l’Audiovisuel public.
Le blog CGC Média vous propose de découvrir l’article de La Sociale, intitulé « Audiovisuel public : le destin tragique d’un joyau devenu une « danseuse » de la Ve République finissante ».
Extraits:
« Le projet de réforme de l’audiovisuel public donne lieu à toutes sortes de commentaires hasardeux tant de la part des chroniqueurs que des politiques, en particulier en ce qui concerne la télévision dont les véritables enjeux sont en grande partie escamotés dans le débat. Il est vrai que les médias ont du mal à évoquer leurs propres conditions d’existence.
Au-delà des strictes considérations éditoriales auxquelles s’attachent la plupart des commentaires (les positions « progressistes » et même crypto-wokistes depuis 2015), la télévision publique est confrontée depuis quelques décennies (et au gré des alternances politiques) à un empilement de stratégies erratiques au conséquences financières et sociales désastreuses. Hélas, ces évolutions et leurs conséquences en interne semblent visiblement ignorées par les politiques en charge du dossier. Et c’est pour une bonne part la source du problème : après Pierre Desgraupes (Antenne2, 1981-1984), la télévision publique fut confiée non plus à des gens du métier mais à des technocrates vagabondant d’entreprises publiques à d’autres. Et si Jean-Pierre Elkabbach était, comme Pierre Desgraupes, un journaliste à part entière (moins la dimension de réalisateur de son prédécesseur), sa politique managériale de France 2 est à marquer d’une pierre plutôt noire : en l’occurrence une pierre néolibérale ouvrant toutes les vannes à la sous-traitance par des sociétés de production privées avec, entre autres, les fameux « animateurs-producteurs ». Cet usage amical des deniers publics devenu un peu trop voyant entraîna, d’ailleurs, la démission de JP Elkabbach en 1996…
En 2010, les diverses sociétés regroupées par la holding France Télévisions se virent fusionnées en une entreprise unique. La plupart des syndicats accompagnèrent le mouvement (au premier rang desquels la CGT voyant là la résurrection de l’ORTF) et se félicitèrent de la suppression de la publicité après 20h, ce qui privait la télévision publique d’un tiers de son financement. Ce manque à gagner (malgré un certain rattrapage par l’État) constituait la justification paradoxale d’appel à des sociétés de production privées initiée auparavant par Jean-Pierre Elkabbach et reprise depuis par Patrick de Carolis et, aujourd’hui, Delphine Ernotte (avec, parmi les principaux gagnants : Mediawan, Banijay et Brut).
Cette injonction paradoxale de faire « une BBC à la française » (puisqu’on le disait déjà) dans une restriction financière entraîna pendant tout le mandat de Rémy Pflimlin une dégradation continue des conditions de travail avec incitation (bien peu convaincante) de départ auprès des salariés. Et ce contexte ne fit que se renforcer à partir de 2015 avec la (trouble) nomination de Delphine Ernotte par le CSA concomitante à la création de France Info TV. À ce titre, on peut se demander si l’exécutif hollandien du moment ne chercha pas alors à faire d’une pierre deux coups : disposer d’une chaîne d’information peu défavorable au potentiel Président-candidat et placer à la tête de France TV une manageuse ayant fait ses preuves chez France Télécom en matière de « réduction de la masse salariale »…
Pierre Delvaux, cet ex de France Télévisions qui signe cette analyse, la conclut ainsi : « Semblant ignorer les conséquences de ces chantiers démultipliant les strates administratives et les mutualisations improbables, l’État veut lancer la holding France Médias qui regrouperait France Télévisions, Radio France et l’INA : l’ineffable « BBC à la française » !...Pour les salariés de France Télévisions qui se souviennent des années de négociation d’une nouvelle convention collective suite au regroupement de leurs regrettées chaînes-entreprises d’origine en 2010, il-y-a de quoi cauchemarder. Le scénario est ici le même à encore plus grande échelle : supprimer des centaines d’emplois dans les vrais métiers de l’audiovisuel pour en créer d’autres centaines dans la bureaucratie et le management (qui complexifient la production, le beau travail basé sur le savoir-faire). (1)
La tragédie continue donc de par l’impéritie, l’inculture et l’opportunisme des exécutifs successifs considérant l’audiovisuel public comme une « danseuse », le dernier des ministères que l’on confie à ceux dont on ne sait pas quoi faire lors d’une composition de gouvernement.
(1) : On pense à Jean Pratt, le réalisateur des PERSES qui mit fin à ses jours, dégoûté d’avoir vu ses collègues renoncer à leur statut public par appât du gain et dont son ami Yvan Audouard avait dit : « Il est mort de voir agoniser sous son regard impuissant une télévision atteinte de la plus longue, de la plus cruelle des maladies : la médiocrité ».
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