Rappel, chronologie et épilogue d’une
démarche discutable:
Des
syndicats dubitatifs :
Courant
2010, le STP, Syndication des Télévisions Privées, qui regroupe donc TF1, M6 et
Canal + et qui se retrouve ponctuellement sur quelques thèmes communs lorsqu’il
s’agit de défendre quelques intérêts partagés même si les spécificités des uns
et des autres les éloignent plus qu’elles ne les rapprochent… a décidé
d’inviter les 5 organisations syndicales représentatives au plan national à
négocier une convention collective interentreprises qualifiée par le STP de
« convention de branche ».
A
ce stade, il est utile de préciser qu’une « branche de l’audiovisuel »
n’existe justement pas; s’il y avait une
« branche » pour l’audiovisuel, elle regrouperait aussi bien le
secteur public et privé de la télévision…Parlons donc plus, ici, de « bourgeon »
que de branche.
Quelques
mois passèrent et début 2011, revoilà les 5 organisations syndicales
représentatives nationales, toujours autour d’une grande table du côté de
Malakoff, face aux employeurs du STP auquel l’ACCeS Association des Chaînes du
Câble et du Satellite était venu s’ajouter.
Ça
n’avait pas très bien commencé…une majorité de syndicat parlait préalablement « périmètre »
alors que le STP proposait, ni plus ni moins de réinventer le droit social… et
surtout de faire évoluer « le contrat de travail » !
Des
employeurs étonnés !!!!! :
Certains
n’ont peut-être jamais imaginé travailler
toute une vie en CDD mais, là, ça devenait possible ! C’était à qui trouverait
la meilleure proposition pour tenter de précariser un peu plus l’emploi, tout à
l’encan… Le « contrat sur objectifs » entre autres, était mis en
avant comme l’un de ces contrats indispensables à intégrer dans les textes.
[détail important, ces types de contrats ne se trouvent pas dans le Code du
travail]
En
essayant d’inventer une nouvelle forme de contrat de travail qui vise à transformer
le salarié en contractuel provisoirement intégré, une sorte de « permittent » [contraction de
intermittent et permanent], cadre de passage sur 18 mois ou 36 mois jeté
ensuite aux oubliettes, qu’espérait le STP ?
Voulait-il
avec un projet « hyper » libéral d’assouplissement du droit du
travail, la fin de la gestion des contrats de travail et des carrières ou de l’accompagnement
des plus de 50 ans ? Plus besoin de plan social avec du jetable en
permanence ! Tous Intermittents avec les inconvénients mais sans les
« avantages » (si tant est que l’on puisse utiliser ce terme !)
Retiré
du texte sous peine d’arrêt immédiat des négociations, ce
« chapitre » réapparaitra puis disparaitra à nouveau quelques mois
plus tard…
Il
était dès lors hors de question pour les représentants des syndicats, le
SNPCA-CGC en tête, d’accepter cette remise en cause fondamentale du droit du travail et,
le cas échéant, que l’audiovisuel privé devienne un lieu d’expérimentation
sociale ou diverses formes de CDD seraient la règle!
Les employeurs se sont étonnés des réactions pourtant très logiques au
regard de l’ensemble des textes, principes et lois qui réaffirment
systématiquement que l’emploi permanent
à temps plein reste la règle…tout juste si les positions des syndicats
n’étaient pas jugées «archaïques» !
Des
contours mal définis :
Plus
les semaines passaient, plus l’impression d’une négociation mal préparée, aux
contours flous, aux ambitions peu acceptables…s’installait. Puis vinrent
l’étonnement et le doute….Comment et
pour quels motifs inavoués ou inavouables, trois des plus grands groupes
audiovisuels de France tous pourvus
d’accord d’entreprise, se lançaient-ils dans un bricolage social de
haute voltige qui ne devait aboutir sur rien ?
L’aventure,
à l’initiative du STP dans laquelle étaient entraînés les partenaires sociaux,
est étonnante. Personne ne fut quasiment informé de ce projet « d’écriture »
de cette nouvelle convention collective, évidemment élaboré bien en amont des
négociations, avant janvier 2011 période à laquelle tout le monde le découvrit
sans aucune autre forme de procès ! De rebondissements en rebondissements,
de découvertes partielles en découvertes partielles, d’atermoiements en
reculades, la négociation allait inévitablement prendre le chemin de l’impasse.
Pour
essayer d’obtenir une majorité de signataires (3 des 5 syndicats) tout fut bon.
Caresses dans le sens du poil ici, là des engagements internes aux entreprises
pour faciliter telle négociation ou tel accord avec une organisation en particulier,
recevant les uns, ignorant les autres, tentant même de taper plus haut en
« sensibilisant » la Fédération voire la Confédération de chacun… une
forme de navigation à vue, d’improvisation ! Trois d’entre elles sur cinq ont d’ailleurs fait savoir que si le texte
venait à être signé minoritairement, elles feraient valoir leur droit
d’opposition.
Des
suspicions légitimes :
Alors
que l’ensemble des organisations syndicales autour de la table exigeait des
employeurs « une lettre d’intention » - une des toutes premières
demandes faites par la CGC - aucun engagement écrit pour le respect des
textes appliqués dans chacune des entreprises CANAL+, TF1 et M6 où des accords collectifs sont appliqués
depuis des années voire des décennies, cette dernière n’a pas formellement
le jour !
Il
ne s’agit pas les bruler sur la place publique pour un vulgaire plat de
lentilles, l’ensemble d’un texte même s’il tend plutôt à faire reculer le droit
social interne de chaque entreprise en inventant, entre autres, des dispositifs
sociaux inexistants ou encore en développant le recours aux contrats de
travails précaires pour le plus grand nombre…non ! Dans de telles
conditions et devant de telles incertitudes, comment ne pas avoir de légitimes
suspicions sur les intentions des employeurs ?!
Epilogue :
La
négociation a quasiment débuté en 2011 ; le délai pour aboutir à la
signature d’un texte avait initialement été fixé au 19 décembre de l’année
dernière. Le STP a bien calé après coup, deux réunions additionnelles pour
procéder à quelques derniers « ajustements » avec un délai
supplémentaire pour signer mais, nous sommes en juin 2012, et de texte signé il n’y a point.
Les
dizaines de réunions qui ont eu lieu, n’ont pas permis de proposer des
aménagements nécessaires assurant un minimum de sécurité aux salariés du
secteur de l’audiovisuel privé.
Il ne suffit pas d’annoncer un peu
partout que la négociation continue pour que cela soit !
Les
représentants des personnels des entreprises de TV privées savent ce que veut
dire « négocier » ; elles l’ont déjà prouvé par le passé
lorsqu’il s’est agi par exemple de finaliser sous l’égide du ministère, « l’accord
national pour sécuriser les emplois des intermittents du spectacle ».
Le
moins que l’on puisse dire, c’est que la négociation pour un texte commun au
Privé, n’a pas pris la même tournure.
Un texte à contrecourant de ce qu’il faut
faire…
Affaiblir
encore plus le contrat de travail, ne parait pas être une issue…Il serait plus judicieux de le renforcer. Chacun sait,
combien des entreprises du secteur soufrent de cette gestion de court terme,
d’abord financière mais aussi humaine. Ces politiques qui provoquent tant de
dégâts sur les femmes et les hommes qui s’échinent à atteindre des objectifs
souvent incompris et qui finissent par craquer, perdant au passage la confiance
en leur employeur, parfois en eux-mêmes. Il est indispensable de retrouver le
chemin du respect du salarié.
La
fin annoncée qui se profile en forme d’échec de cette négociation, laissera forcément des traces. Qui peut dire
aujourd’hui si la négociation initiée par cette syndication d’employeurs qu’est
le STP, représentant des intérêts sectoriels sans commune mesure avec
l’évolution du business dans l’audiovisuel sur tous supports, la TV connectée,
l’internationalisation de la diffusion des contenus…ne sera pas demain plus
large et plus axée sur une branche plutôt que sur un secteur ?!
Comment
ne pas vouloir mettre un terme à la dérive dans la gestion des ressources
humaines tant de fois constatée ? Pourquoi ne pas profiter de l’occasion
pour consacrer une gestion humaine des ressources et non plus une gestion des
ressources humaines !
Regroupons
les acteurs, tous les acteurs du secteur, discutons clairement des objectifs,
remettons le couvert dans la plus totale transparence et le respect des
partenaires… Partons d’un état des lieux avec d’une analyse sérieuse de
l’organisation sociale des entreprises concernées,
C’est
la garantie de faire œuvre constructive pour le bien des économies mais aussi
et surtout des milliers de salariés du secteur !