TF1, Altice, ou Vivendi pour racheter M6 ?
Dans un long article publié ce lundi 1er février dans les Echos (*) sous la plume de Fabienne Schmitt et Nicolas Madelaine, le quotidien s’interroge « Qui pour racheter M6 : « La 6 a de quoi susciter des convoitises, même si les obstacles pouvant entraver une vente ne manquent pas. RTL Group, la filiale de l’allemand Bertelsmann, qui détient M6, a sondé des acheteurs potentiels pour la chaîne sur la base d’une valorisation de 3 milliards d’euros »
Le titre de Presse évoque « Les blocages réglementaires forts, en perspective » qui font selon lui que « Certes les grandes manœuvres sont en marche mais la route est encore longue… » avant d’en énoncer quelques-uns : « En l’état actuel de la réglementation française, une éventuelle vente de M6 se heurterait à de nombreux obstacles.
Un rachat de M6 par TF1, Altice, ou Vivendi ? Ces hypothèses sont aujourd’hui clairement étudiées par Bertelsmann. Mais elles poseraient de lourdes difficultés réglementaires. D’abord, d’après la loi, un opérateur de télévisions ne peut posséder plus de 7 fréquences TNT. Or M6 en a déjà 5, Canal+ (C8, CNews…) en détient 7, TF1, 5 (TMC, LCI…) et Altice, 3 (BFM…). Des ventes de chaînes s’imposeraient donc.
Surtout, l’Autorité de la concurrence trouverait à redire sur le plan publicitaire et par rapport à l’écosystème de la production audiovisuelle… ».
Salto, le piètre service de SVoD de TF1, M6 et France Télévisions, pourrait bien exploser en vol. Avec un déficit prévu à 93 millions d’euros cette année et une situation qui ne serait pas à l’équilibre avant 2023 – auxquels beaucoup d’observateurs ne croient pas ! – le caprice ernottien pourrait être faire rapidement les frais de cette nouvelle donne, particulièrement écrit le quotidien économique « Après que l’antitrust sur toutes ces considérations, ait justement apporté des restrictions lors la création de Salto ».
« Autrefois, aussi, TPS (TF1 et M6) et Canalsat (Canal+) avaient dû prendre moult engagements pour se marier. Même chose quand Bolloré a apporté C8 et CStar dans la corbeille de Vivendi… » ajoutent Les Échos.
Celle qui fait aujourd’hui l’objet de plusieurs contestations quant à ses deux parachutages mais également d’une enquête préliminaire menée par la BRDE (Brigade de Répression Délinquance Économique) sous la coupe du PNF (Parquet National Financier) dans le cadre du contrat de 100 millions d’euros - il y en a eu une deuxième ! – accordé à la Société de Nagui, devrait se retrouver bien ridicule avec son pathétique appel aux médias publics européens « à se serrer les coudes » !
(*) Extrait
« Cela faisait longtemps que M6 n’avait pas connu pareille flambée en Bourse. Vendredi, le cours de l’action s’est envolé après que Reuters a annoncé que son premier actionnaire, RTL Group, filiale de Bertelsmann, envisage une cession du groupe M6 en France, qui contrôle également RTL. L’action a clôturé à +5,41%, après avoir pris plus de 10% en milieu de journée. Réagissant en soirée, l’Allemand a confirmé, entre les lignes, la vente potentielle.
« Le groupe a rappelé à plusieurs reprises l’intérêt qu’il y aurait à favoriser une consolidation du secteur audiovisuel européen. Le groupe RTL évalue régulièrement de telles opérations susceptibles de créer de la valeur pour ses actionnaires », a-t-il indiqué. Prudent, le géant allemand des médias a pris soin de préciser qu’il n’avait pas la garantie qu’une telle opération aboutirait. RTL Group a en tout cas déjà sondé l’intérêt de Vivendi, d’Altice, de TF1 et du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky pour sa participation de contrôle de 48,3 % dont il espérerait tirer 3 milliards, selon l’agence de presse.
En réalité, cela fait plusieurs mois que le marché s’interroge sur les mouvements stratégiques de Bertelsmann. L’Allemand est en train de racheter le très convoité éditeur américain Simon & Schuster, après avoir bouclé l’acquisition de Penguin Random House. Il se recentre sur ses marques mondiales, à part en Allemagne. Surtout, il vient d’engager la cession de Prisma Media, sa branche magazines en France (« Capital », « Geo », « Voici »…), à Vivendi. C’est cette annonce, fin 2020, qui a alimenté les spéculations. Beaucoup y ont vu un « deal caché » possible entre Vivendi et Bertelsmann sur M6 et RTL, alors que Vivendi, déjà propriétaire de Canal+ et d’Universal, affirme depuis longtemps son intention de se renforcer dans les médias, sous le contrôle de Vincent Bolloré. Le groupe vient d’ailleurs d’entrer au capital de Prisa en Espagne. « Je ne vois pas Bolloré acheter Prisma Media sans prendre de garanties pour M6 », pointe un ponte des médias. « Avez-vous remarqué que Vivendi a fait une offre à un prix très bas sur Simon & Schuster, laissant la voie libre à Bertelsmann, alors que l’édition est un actif majeur chez Vivendi, propriétaire d’Editis, et qui convoite Lagardère Publishing ? » questionne un autre. Beaucoup relient aussi le dossier M6 aux visées de Vivendi sur Europe 1.
Se voyant entravé sur cette acquisition, aussi envisagée par le Groupe Arnault (actionnaire de LVMH, propriétaire des « Echos »), également au capital de Lagardère, Vincent Bolloré aurait questionné l’opportunité d’acheter RTL, propriété de M6. Selon un banquier, les premiers bruits faisaient état d’une discussion seulement sur RTL, « ce qui aurait peu de sens pour Bertelsmann parce qu’il remonterait peu de cash et perdrait la prime attachée à l’influence politique de la station. »
L’appel du pied à TF1
Véritable « trophée » de Bertelsmann en France, M6 et sa flottille de chaînes de télévision (Gulli, Téva, 6Ter, etc.), très rentables et très bien gérées par l’indéboulonnable Nicolas de Tavernost, ont de quoi susciter des convoitises.
Sa station RTL se dispute le leadership des radios françaises avec France Inter. Mais le groupe doit aujourd’hui faire face à des concurrents mondiaux, Google et Facebook pour la publicité et Netflix, Amazon ainsi qu’Apple pour l’attention des téléspectateurs avec leurs séduisants services de SVoD ébranlant les positions des acteurs historiques de la télévision. A ce sujet, les discours officiels des dirigeants de Bertelsmann ces derniers mois interrogent. Le président du directoire de Bertelsmann, Thomas Rabe, a appelé à une fusion entre RTL Group et ProSiebenSat.1. Nicolas de Tavernost pousse à la concentration des grands groupes télévisuels français. « Aux Etats-Unis, partout dans le monde, un vaste mouvement de consolidation est en cours. Et ceux qui n’y participeront pas seront marginalisés ou se retrouveront en situation de dépendance », assurait-il aux « Echos » il y a un an. Un appel du pied pour un rapprochement entre TF1 et M6. Cette alliance aurait l’avantage d’offrir plus de synergies qu’avec Vivendi. Mais elle poserait des difficultés réglementaires (cf. ci-contre). Un rapprochement avec Altice (SFR, BFM TV, RMC…) conforterait Patrick Drahi, son propriétaire, qui rêve d’être « numéro un ou deux » dans tous ses business.
Daniel Kretinsky, actionnaire indirect du « Monde », propriétaire de magazines en France dont « Marianne » et de télévisions en Europe, serait un bon candidat, lui, qui, en 2019, a voulu prendre 10 % de Bouygues, le propriétaire de TF1. Bref, les grandes manœuvres sont en marche, mais la route est longue…
Des blocages réglementaires forts en perspective
En l’état actuel de la réglementation française, une éventuelle vente de M6 se heurterait à de nombreux obstacles.
Un rachat de M6 par TF1, Altice, ou Vivendi ?
Ces hypothèses sont aujourd’hui clairement étudiées par Bertelsmann. Mais elles poseraient de lourdes difficultés réglementaires. D’abord, d’après la loi, un opérateur de télévisions ne peut posséder plus de 7 fréquences TNT. Or M6 en a déjà 5, Canal+ (C8, CNews…) en détient 7, TF1, 5 (TMC, LCI…) et Altice, 3 (BFM…). Des ventes de chaînes s’imposeraient donc.
Surtout, l’Autorité de la concurrence trouverait à redire sur le plan publicitaire et par rapport à l’écosystème de la production audiovisuelle. Sur toutes ces considérations, l’antitrust a apporté des restrictions lors la création de Salto, le service de SVoD de France Télévisions, TF1 et M6. Autrefois, aussi, TPS (TF1 et M6) et Canalsat (Canal+) avaient dû prendre moult engagements pour se marier. Même chose quand Bolloré a apporté C8 et CStar dans la corbeille de Vivendi… « Tout dépend si l’Autorité de la concurrence considère la position du nouvel ensemble au regard du seul marché télévisuel ou, comme dans le cas FNAC Darty, d’un marché de référence qui a changé avec les plateformes », relève un professionnel.
Gilles Pélisson, le patron de TF1, ne dit pas mieux et se montre manifestement ouvert à de grandes manœuvres. « Si on fait comprendre aux autorités de la concurrence et à Bruxelles que le marché pertinent de la télé linéaire est devenu plus large car vieille télé et télé digitale sont désormais mélangées, alors oui, tout projet de fusion ou de rapprochement peut devenir possible… », expliquait-il, fin 2020 là l’occasion de Médias en Seine.
D’autres verrous réglementaires existent dans la radio, un groupe ne pouvant pas cumuler une audience de plus de 20 % et un bassin de population dépassant 150 millions d’habitants. Quid, dès lors, d’une alliance M6-RTL avec Altice, qui possède RMC ? Bref, de tous les candidats potentiels actuels, c ’est pour Daniel Kretinsky, actionnaire indirect du « Monde », propriétaire de la petite chaîne B Smart (non TNT) et de magazines (« Elle » , « Marianne »…), que la voie serait la plus libre. Même si les politiques peuvent tiquer face à celui qui est perçu comme proche du pouvoir russe… Autre point, boursier cette fois-ci, tout acheteur du bloc de Bertelsmann ne pourrait dépasser les 49 % du capital ou des droits de vote, c’est la loi (le seuil est même de 20 % pour un non-Européen). Il ne pourrait donc pas lancer d’OPA, comme cela est exigé dans les autres secteurs. « Ce serait la première fois que cette question se pose, le sujet n’est pas résolu », dit un avocat. En outre, l’acheteur offrirait à Bertelsmann une prime pour cette position de contrôle, mais les actionnaires minoritaires, eux, ne pourraient pas en bénéficier. Comment les traiter équitablement ? Avec un dividende exceptionnel ? Enfin, l’Etat souhaiterait sûrement avoir son mot à dire dans de telles opérations, même s’il n’a pas les moyens juridiques de les bloquer. Pour certains, les obstacles sont tels que si ces informations circulent aujourd’hui, c’est peut-être que Bertelsmann se désespère de trouver un acheteur… « C’est ce que me dit mon petit doigt », assure une source bien informée.
Fabienne Schmitt @FabienneSchmitt et Nicolas Madelaine @NLMadelaine