Lettre ouverte à Sibyle Veil de précaires qui à Radio France ne sont toujours pas payés.
Libération dans son article « Dysfonctionnements du logiciel de paie: à Radio France, le «Sirhiusgate» vient troubler la quiétude estivale » révèle la teneur du courrier que viennent d’envoyer à la patronne de Radio France des salariés précaires qui ne sont toujours pas rémunérés pour le travail fourni (comme l’expliquait déjà, il y a peu Le Canard enchaîné… article en fin de post)
« Les bugs du nouveau logiciel de ressources humaines de la Maison ronde amputent depuis mai une partie des revenus des salariés les plus précaires. Une quarantaine d'entre eux ont adressé une lettre ouverte à Sibyle Veil en fin de semaine dernière. Les couloirs de Radio France se sont vidés ces derniers jours, les grilles d'été tournent à plein régime sur les antennes, mais la maison ronde n'est pas apaisée pour autant. Depuis plusieurs semaines, des salariés, pour la plupart en contrat précaire (CDD ou pige) se plaignent des dysfonctionnements du nouveau logiciel de ressources humaines Sirhius, qui gère les paies et les plannings depuis avril. Retenues de salaires inexpliquées, rediffusions non payées, remboursements de transports «fantaisistes» ou mauvaises attestations mensuelles transmises à Pôle Emploi... Tout un tas de désagréments autour des éléments variables de paie qui peuvent participer à ce que les salariés se retrouvent amputés jusqu'à 30% de leur salaire.
Le 29 juillet, une lettre ouverte signée par une quarantaine de personnes touchées par ces bugs a été envoyée à la présidente de Radio France, Sibyle Veil . «Depuis le mois de mai et la mise en place de Sirhius, nous sommes très nombreux dans cette maison à être payés partiellement de nos salaires, écrivent ces salariés, parmi lesquels nombre de réalisateurs radios, producteurs à France Culture, ou animateurs. Malgré nos signalements répétés, cette situation ne trouve pas de résolution : aujourd'hui encore, nous sommes nombreux à ne pas avoir trouvé d'interlocuteur qui puisse apporter une solution à des situations pourtant catastrophiques et urgentes. Les intermittents et les CDD-U [ou contrats à durée déterminée d'usage, ndlr] sont nombreux à être concernés : cette population de précaires souffre en outre de problèmes administratifs en cascade à cause de Radio France et de ce nouveau logiciel de paie dont tous les services s'accordaient pourtant à dire, avant même sa mise en service, qu'il allait être extrêmement problématique, en particulier pour les salariés en CDD-U. Madame la Présidente, qu'avez-vous prévu pour résoudre ce problème ?»
Un article paru dans le Canard enchaîné le 6 juillet révélait déjà ces bugs du logiciel Sirhius, un investissement à hauteur de 10,5 millions d'euros pour la Maison de la radio. Cet outil de gestion administrative développé par l'Etat, présenté comme un moyen de réduire les effectifs des services de ressources humaines, a déjà provoqué des désagréments par le passé, notamment lors de son déploiement à la Direction générale des finances publiques (DGFip). En 2016, un rapport de la Cour des comptes critiquait ainsi le projet Sirhius «inabouti dix ans après son lancement», avec un coût ayant dérivé de 23% pour atteindre plus de 140 millions d'euros en 2019.
A Radio France, le logiciel qui aurait dû être mis en place en janvier 2022, a eu trois mois de retard à l'allumage. Et les dysfonctionnements se sont fait instantanément sentir…
Aux signataires de la lettre ouverte, Sibyle Veil a répondu dans la foulée le 29 juillet au soir. «Votre interpellation [...] montre une situation dont nous ne pouvons évidemment pas nous satisfaire, écrit-elle. Sachez que depuis le déploiement du nouvel outil Sirhius, je suis avec vigilance ses conséquences sur le paiement des rémunérations car il va de soi que chacun doit recevoir la rémunération qui lui est due par l'entreprise. Nous n'avions pas d'autre choix que de faire évoluer notre ancien outil et ce basculement a été préparé avec soin. Néanmoins dans notre entreprise il existe une multiplicité de statuts individuels qui rendent le déploiement d'un nouvel outil de paie plus complexe qu'ailleurs.» La présidente de Radio France présente par la suite ses excuses et annonce que le directeur des ressources humaines, Michel Casciani, reviendra vers eux par la suite. Dans un autre mail, celui-ci renvoie les signataires de la lettre ouverte vers des interlocuteurs désignés pour résoudre leurs problèmes de paie, et vers un formulaire destiné à faire remonter toute anomalie.
Chez les salariés concernés, on n'est pas encore tout à fait satisfait des réponses apportées. Que Sibyle Veil présente ses excuses, «c'est déjà ça», estime la réalisatrice Laurence Courtois. Mais celle qui a participé à organiser le mouvement de protestation pointe surtout le fait que la communication de la direction de Radio France ne s'adresse qu'aux signataires de la lettre ouverte. «La réponse apportée n'est pas à la mesure de l'ampleur du problème, critique-t-elle. Ce dont on s'est aperçu au début de ces bugs, c'est que si on ne vérifie pas, Radio France ne fait rien. On demande une communication de crise plus globale, pour alerter toutes les personnes qui n'ont pas saisi la DRH, parce qu'elles n'ont pas forcément vérifié leur bulletin de paie, ou parce qu'elles n'ont pas signé, par peur, la lettre ouverte.» Fin mai, elle s'est ainsi rendu compte fin mai que plusieurs cachets n'apparaissaient pas sur sa fiche de paie, des anomalies qui se sont répétées en juin. «Sur ces deux mois, ce sont 1 780 euros brut qui ne m'ont pas été payés», a calculé Laurence Courtois. Début août, son cas n'était toujours pas réglé, d'autant que ces bulletins erronés se répercutent sur ses attestations employeur mensuelles (AEM) à Pôle emploi. Aujourd'hui, la réalisatrice envisage de recourir à une mise en demeure pour non-paiement de salaire.
Contactée par Libération , la direction de Radio France ne veut voir dans ces désagréments que les résidus d'une situation proche de se résoudre complètement. Elle explique ainsi que le système Sirhius «fonctionne aujourd'hui pour la très grande majorité de nos salariés. Nous constatons à chaque paye un nombre d'anomalies moindre et sommes confiants que celles-ci auront totalement disparu dans les meilleurs délais». Ainsi, selon Radio France, «moins de 8% de situations ont demandé des corrections» lors du premier mois de mise en place de Sirhius, en avril. «Sur le mois de mai, moins de 5% des situations ont fait l'objet d'une régularisation et en juin, c'est moins de 2% des situations qui nécessitaient un ajustement», indique la direction de la maison ronde. Et d'ajouter : «Il est vrai cependant que certains salariés continuent de rencontrer des problèmes. Nous prenons très au sérieux leur résolution et nos équipes travaillent à ce que ceux-ci ne se reproduisent pas. Aucune des situations remontées n'est laissée sans solution.» Estimant avoir déjà informé tous les salariés dès le mois de mai, la direction de Radio France n'envisage pas de nouvelle communication en dehors des personnes concernées. »