Briser la vie de certains journalistes à France Télés, ça n’a pas de prix…Le Parisien livre le coût des premières indemnités versées pour cet inadmissible « coup monté »!
« En 2020, une interview choc de Clémentine Sarlat dans L’Équipe débouchait sur l’éviction de trois journalistes du service des sports de France Télévisions soupçonnés de harcèlement et de propos sexistes. Depuis, deux de ces licenciements ont été retoqués par la justice et le groupe public ne collabore plus avec Interstys, le cabinet extérieur en charge de l’enquête à l’époque » écrivait Le Parisien qui révèle que « Deux anciens journalistes de ce service, Pierre-Étienne Léonard et Jean-François Laville, licenciés en 2020 à la suite d’une enquête sur des soupçons de harcèlement et de propos sexistes menée par le cabinet indépendant Interstys » ont adressé une lettre à l’ex-Orange, à laquelle « S’est joint un ex-journaliste de France 3 Lille, lui aussi évincé après des investigations pilotées par le même prestataire dans une autre affaire ».
« Nous sommes les dégâts collatéraux d’un cabinet pointé du doigt par la justice et, désormais, après trois ans de procédures, blacklistés par France Télévisions. » soulignent-ils dans ce courrier envoyé le 20 septembre dernier à Ernotte.
Le titre de presse poursuit « Tous trois ont depuis fait condamner leur ex-employeur par la justice. Selon « la Lettre A », France Télévisions ne fait aussi plus appel aux services d’Interstys. « On a arrêté cette collaboration il y a plusieurs mois déjà », reconnaît le groupe public, déconnectant toutefois cette décision des récents jugements prud’homaux lui ayant été défavorables.
Pour le reste, pas de commentaire. Il faut dire que ces affaires ont laissé des traces profondes en interne et une facture salée de plusieurs centaines de milliers d’euros pour l’entreprise.
Rembobinons. Avril 2020, en plein confinement, la journaliste Clémentine Sarlat, qui commente en ce moment la Coupe du monde de rugby sur M 6, ne mâche pas ses mots. Dans une interview à « L’Équipe », elle revient sur ses années « Stade 2 », une émission où elle se rendait « en pleurant. »
L’ex-visage du service des sports de France Télévisions dénonce pêle-mêle les blagues misogynes de quelques « gros cons » de la rédaction, des refus d’augmentation et sa mise progressive sur la touche à son retour de congés maternité.
« C’était le confinement, on a été entendus en Zoom rapidement »
Stupéfaite, Delphine Ernotte l’appelle le jour même pour lui apporter son soutien et bannonce l’ouverture d’une enquête confiée à un cabinet extérieur, Interstys. « Le harcèlement est intolérable dans toutes les entrepriseset particulièrement dans le service public. L’égalité entre les femmes et les hommes est un combat que je ne lâcherai pas », promet la dirigeante, engagée depuis longtemps sur ces questions et alors en campagne pour sa réélection à la présidence du groupe public.
Un an plus tard, le sexisme pouvant régner dans certaines rédactions sportives sera aussi dénoncé dans le documentaire de Marie Portolano, « Je ne suis pas une salope, je suis journaliste », diffusé sur Canal +.
Le monde du sport étant arrêté pour cause de pandémie mondiale, Interstys contacte en 2020 plus d’une centaine de personnes en seulement deux semaines. « C’était le confinement, on a été entendus en Zoom rapidement. Ce n’était pas sérieux… » se souvient une des personnes interrogées.
« On a l’impression qu’ils ont fait plouf-plouf »
Hommes, femmes, victimes présumées, bourreaux supposés, tout le monde est auditionné une fois, avec une garantie d’anonymat. Le rapport du cabinet est rendu deux mois plus tard à la direction et reste confidentiel. Fin juillet 2020, trois journalistes du service des sports sont licenciés : Pierre-Étienne Léonard, Alain Vernon et Jean-François Laville. S’ensuit pour eux une plongée faite de harcèlement sur les réseaux sociaux, de difficultés à retrouver un emploi, voire de dépression.
Alain Vernon a été licencié en juillet 2020 avec deux autres journalistes du service des sports de France TV, Pierre-Étienne Léonard et et Jean-François Laville.
Trois ans après leur départ, certains de leurs collègues restent dubitatifs. « On a l’impression qu’ils ont fait plouf-plouf. Un jeune, un ancien et un chef, ça sera toi qui partiras. Et en attendant, des personnes toxiques courent toujours », se désole une membre du service des sports de France Télévisions.
Enquête à charge », « méthodes expéditives », « procès staliniens », le travail du cabinet - qui ne nous a pas répondu - fait carrément grincer des dents chez d’autres. « Il n’y a pas eu de respect du principe du contradictoire et pas d’accès possible aux pièces du dossier. Tout était basé sur des dénonciations anonymes sans lieu, ni date, ni circonstances. Avec à la clé une sanction maximale et définitive », dénonce Thierry Vildary, journaliste au service des sports et délégué Unsa ayant assisté certains des congédiés.
« On a fait comme si le droit français n’existait pas »
« C’est un véritable fiasco. On a fait comme si le droit français n’existait pas. Je n’ai jamais vu ça ! Et dans une entreprise publique en plus. J’ai honte ! » assène le syndicaliste, soulignant qu’Interstys n’était en outre pas agréé par le ministère du Travail.
La justice a elle aussi trouvé à redire en découvrant le travail du prestataire de France Télévisions. Ayant d’abord forcé le groupe public à produire les témoignages censés justifier lesdits licenciements, elle les a ensuite retoqués, sauf celui d’Alain Vernon, débouté une première fois et qui a fait appel.
En août dernier, le conseil de prud’hommes de Paris a ainsi condamné le diffuseur à verser 150 000 euros à Jean-François Laville pour « licenciement sans cause réelle et sérieuse. » Même sanction un an plus tôt, en mars 2022, dans le dossier de Pierre-Étienne Léonard avec cette fois 145 000 euros de deniers publics à décaisser.
Sarlat a apporté son soutien à un ex-collègue viré
Ironie de l’histoire, Clémentine Sarlat a apporté son soutien à son ex-collègue lors de son procès. « Je n’ai jamais eu de problèmes avec Pierre-Étienne Léonard, avec qui je me suis toujours bien entendue », a assuré la journaliste dans un écrit produit devant les prud’hommes, et dont « Le Parisien » a obtenu copie.
« Ça a été mal géré », estime aujourd’hui la journaliste, affirmant avoir voulu à l’époque provoquer une « prise de conscience » concernant « les discriminations subies par les femmes dans la rédac. » « Je ne pense pas que ce soit arrivé, malheureusement », regrette-t-elle. Pour le syndicaliste Thierry Vildary, la direction de France Télévisions doit « prendre conscience du préjudice » subi par ses ex-salariés, « fournir des excuses publiques » et leur proposer une réintégration. Une chose est sûre, cette affaire n’a pas fini de hanter les couloirs de l’entreprise audiovisuelle.