Un projet de loi sur le holding des médias publics pour planquer un cavalier (*) seul destiné au Privé !
(*) En matière de loi, le terme "cavalier" (ou "cavalier législatif"« cava) désigne une disposition législative insérée dans un projet ou une proposition de loi, mais qui n'a pas de lien direct avec l'objet principal du texte en question. Cette pratique consiste à ajouter des mesures supplémentaires, souvent sans rapport avec le sujet principal du texte législatif, pour les faire adopter plus facilement, profitant du véhicule législatif en cours.
En France, par exemple, les cavaliers législatifs sont encadrés par la Constitution et le Conseil constitutionnel. Selon l'article 45 de la Constitution française, toute disposition introduite dans une loi doit avoir un lien, même indirect, avec l'objet du texte. Si une disposition est jugée comme un cavalier législatif, elle peut être déclarée inconstitutionnelle et annulée par le Conseil constitutionnel.
Cette pratique est souvent critiquée car elle peut contourner le débat parlementaire approfondi sur les mesures concernées.
Comme suite à la demande de vote bloqué formulée par Rachida Dati donc le gouvernement de François Bayrou, le Sénat a adopté en 2e lecture la proposition de loi Lafont, par 194 voix contre 113.
Sur les 367 amendements qui avaient été déposés, 34 ont fait l’objet d’un vote isolé (pour exclure France Médias Monde du périmètre de la holding, en majorité) ou ont été retenus par le gouvernement dans le texte soumis au vote final.
Par rapport à la version adoptée par le Sénat en première lecture, en juin 2023, l’article 12 du chapitre 2 pose de nombreuses questions.
Dans ce chapitre 2, consacré à la « souveraineté audiovisuel », dont le gouvernement avait proposé la suppression devant l’Assemblée nationale, au bénéfice d’un projet de loi – en préparation – destiné à donner suite aux Etats Généraux de l’Information, le Sénat a souhaité modifier la réforme de la « clause des cinq ans », concernant les délais dans lesquels une chaîne de la TNT nouvellement autorisée ne peut être cédée sans perdre cette autorisation.
Le Sénat a confirmé le passage d’un délai de cinq à deux ans, et supprimé la disposition adoptée en première lecture permettant de réduire encore ce délai ; énoncé que cette réduction (de cinq à deux ans) ne s’appliquait que pour les nouvelles autorisations, et pas de façon rétroactive (donc pour les 6 autorisations qui seront délivrées en 2027 sur le bloc des « TNT HD » de 2012, mais pas pour TF1 et M6, renouvelées en 2023, ni pour les 11 autorisations délivrées en 2024) ; indiqué qu’en cas de groupes multichaînes, c’est le délai applicable à la chaîne principale qui vaut pour l’ensemble des antennes.
Tout cela arrivant au moment où Pascal Houzelot, l’ancien propriétaire de la chaîne Numéro 23, a été mis en examen (en janvier 2025) pour « trafic d’influence actif, escroquerie et abus de confiance » dans le cadre d’une enquête sur l’attribution d’une fréquence TNT en 2012 et les conditions de cession de cette chaîne.
Par exemple, les 2 chaînes de la TNT : RMC ET BFMTV rachetées récemment par le groupe de Rodolphe Saadé seraient donc concernées et rendraient leur revente plus qu’hasardeuse en cas de rachat d’un bloc de l’audiovisuel plus important !
En effet, le milliardaire a racheté les deux chaînes, le 15 mars 2024. Ainsi, cette disposition sera déterminante, dans la relance des scénarios de consolidation impliquant M6 : sa nouvelle autorisation a été délivrée le 27/04/2023 et le délai de cinq ans qui lui est applicable expirera donc le 27 avril 2028. (Article 12)
Le chapitre 2 du projet de loi Ernotte/Dati en configuration de vote bloqué, en prévoit encore de nombreuses autres.
Confirmée dans des termes identiques à ceux de la première lecture, l’instauration d’un statut légal pour la mesure d’audience s’imposant à l’ensemble des acteurs de la chaîne publicitaire (supports, régies, agences, annonceurs), prévoyant notamment la concertation avec le marché, la transparence sur la méthodologie appliquée et l’audit par des experts indépendants (Article 12 bis)…
Ou encore la possibilité dune troisième coupure publicitaire, et ajouté la possibilité pour les chaînes de diffuser des bandes annonces et des spots de parrainage pendant les écrans de coupure (Article 13 bis)
Confirmées aussi les modifications de la Loi de septembre 1986 et du Code du sport, visant à ce que les « règles relatives à la retransmission des évènements d’importance majeure » soient respectées, y compris en cas d’acquisition des droits par une plateforme qui n’est pas soumise au décret. (Article 10).
Confirmées les dispositions favorisant l’usage du standard d’interactivité hbbTV (Article 14) et la transition vers la TNT UHD (Article 14 bis), et légèrement allongé le calendrier applicable s’agissant du DAB+ (Article 15).
Supprimé l’article 11 sur les SIG, déjà satisfait par les délibérations de l’Arcom de septembre 2024, l’article 11 bis A prévoyant que les radios doivent consacrer un minimum d’investissement à l’information, l’article 13, revenant sur la nécessité, pour les « décrets production » d’intégrer une clause sur la titularité des mandats de commercialisationdans la définition de la production indépendante.
S’agissant du chapitre 1 portant sur l’audiovisuel public, et outre le retrait de France Médias Monde, le Sénat a précisé que « Le PDG de France Média est nommé pour 5 ans par l’Arcom « au terme d’une procédure transparente, ouverte, effective et non discriminatoire » non pas sur proposition du Conseil d’administration (Article 3).
Dans l’attente de la nomination du premier PDG, la fonction sera occupée au 1er janvier par le doyen des administrateurs désignés par l’Arcom(Article 8).
Le PDG de France Média est également PDG de France Télévisions, Radio France et l’INA mais aussi de l’ensemble des filiales qui pourraient être créées (Articles 1er et 3) L’État (cinq représentants) et l’Arcom (5 personnalités qu’elle désigne), le Parlement (1 député et 1 sénateur) et le personnel (2 représentants) composant le Conseil d’administration de la holding (Article 3).
Alors que le gouvernement en avait proposé la suppression à l’Assemblée nationale, le plafonnement des recettes de publicité de France Télévisions et Radio France a été conservé (la convention stratégique pluriannuelle « fixe un niveau maximal de recettes publicitaires et de parrainage, y compris numériques, aux sociétés France Télévisions et Radio France ») (Article 5). La convention stratégique pluriannuelle « détermine les montants minimaux d’investissements de la société France Télévisions dans le cinéma et la production audiovisuelle, en pourcentage de ses recettes et en valeur absolue » (Article 5).