Les
sages du Conseil d'État pourraient consacrer l’opacité d’une procédure et leur
perte de tout contrôle en pleine instruction
judiciaire ?...Surprenant !
Vendredi
15 janvier vers 14h00 avait lieu au Conseil d'État l’audience concernant les
recours déposés par le SNPCA-CGC et la CFDT visant le processus de
« désignation à la présidence de France Télévisions ».
La
séance était à peine terminée que quelques papiers fleurissaient déjà,
indiquant « le
Conseil d'État devrait rejeter les requêtes des deux syndicats ».
Surprenant surtout lorsque la décision de l’instance mise en délibéré l’a été
sans date mais encore plus, alors même que la CADA saisie par
les deux mêmes demandeurs ayant comme la loi le prévoit pour tout un chacun
demandé toute une série de documents doit se prononcer le
4 février prochain et alors même que démarre
l’instruction judiciaire visant à caractériser les faits par tout élément et/ou
déclaration sous serment dans le cadre du « dossier ».
Histoire
de rendre à César ce qui appartient à César, il faut bien avouer que « Le
Figaro » avec son article « France
Télévisions : le Conseil d'État se penche sur la nomination de Delphine
Ernotte » (cliquez sur le lien) a été le plus factuel et
le plus prudent en la matière…et pour cause.
Quelques
dates et évènements sont nécessaires en la matière pour comprendre le
contexte :
Le 23 avril 2015, dans les conditions qui ont fait réagir la Presse unanime
dénonçant l’opacité de la procédure, un CSA coupé en deux propulse sans
connaissance du secteur une ex Orange à France Télé.
Dans
les semaines qui vont suivre, ce seront pour ne citer
qu’eux "Médiapart" avec son enquête de 12 pages
mais aussi "Le M du Monde" et son dossier de sept pages
ou encore le feuilleton en cinq épisodes de cet été signé
« L’Opinion » qui s’intéresseront aux conditions d’opacité qui ont
entouré tout ce processus que beaucoup jugeront alors indigne d’une
démocratie !
Dans les deux mois, c’est-à-dire avant le 23 juin
2015, la CFDT-Medias et la CGC-Audiovisuel déposeront chacun une requête au
Conseil d’État mettant en cause les conditions ubuesques de toute la procédure
voulue par Olivier Schrameck.
Dans les tous premiers jours de juin 2015, Didier Quillot candidat évincé donc
même pas auditionné alors qu’il connait la télévision comme la téléphonie
(il a passé plus de dix années à Orange et une demi-douzaine dans l’audiovisuel
chez Lagardère en télé) va saisir le Parquet afin que soit ouverte une enquête.
Dans les jours qui suivront, la CFDT-Medias et la CGC-Audiovisuel saisiront à leur tour
le Parquet.
A l’été 2015, le Parquet classera sans suite les trois plaintes sans
diligenter la moindre enquête préliminaire.
La CFDT-Medias et la CGC-Audiovisuel saisiront comme la loi
le leur permet le Doyen des juges d’instruction et porteront donc plainte au
Pénal afin qu’une instruction judiciaire voit le jour pour établir les faits.
Le 15 septembre 2015, la
CFDT-Medias et la CGC-Audiovisuel écrivaient par l’intermédiaire de leur
Conseil commun, un courrier recommandé AR au CSA visant à obtenir comme la
loi le prévoit, tout un tas de documents destinés entre autres, à nourrir leur
plainte respective enclenchant la procédure dite
CADA.
Le CSA qui avait un mois pour accéder aux demandes des syndicats,
n’enverra rien dans le délai qui lui était imparti mais quelques documents sans
grand intérêt, cinq jours plus tard. (le 19/12).
La CGC-Audiovisuel et la CFDT-Medias saisissent également très
officiellement le 18 décembre 2015, la CADA (lettre de près de 20 pages).
Avant les fêtes de fin d’année, la Justice va fixer
pour chacun des syndicats la somme nécessaire pour se constituer partie civile
et laisser jusqu’au 15 janvier 2016
pour se faire.
Avant cette date butoir, la CGC-Audiovisuel et la CFDT-Medias consignent la somme requise afin que démarre sans délai l’instruction judiciaire.
Avant cette date butoir, la CGC-Audiovisuel et la CFDT-Medias consignent la somme requise afin que démarre sans délai l’instruction judiciaire.
Le vendredi 15 janvier donc, le Conseil d'État se réunissait en
audience et ce alors que démarre l’instruction judiciaire et que la CADA doit
se prononcer la 4 février prochain…
A
tous ceux qui ont déjà écrit que «le Conseil d'État
devrait suivre l’avis de la rapporteure et rejeter les recours» il
convient de souligner trois points fondamentaux :
1°)
Si le seul avis du rapporteur suffisait, il n’y aurait pas besoin de réunir les
magistrats de l’instance qui, faut-il le rappeler, sont décisionnaires.
2°)
L’avis rendu est du reste pour le moins curieux :
Dans
ses conclusions, le rapporteur souligne que l’inexpérience dans le secteur de
l’audiovisuel ne peut être déterminent «L'expérience du pilotage stratégique, la conduite du
changement et la
pratique du dialogue social, nous paraissent au moins aussi précieux à la
tête d'un groupe comme France Télévisions que la connaissance pointue du
secteur de l'audiovisuel»… « La pratique du
dialogue social » depuis quelques semaines à France Télé et ces
derniers jours avec le limogeage manu
militari de Julien Lepers mais aussi probablement d’une dizaine de ses collaborateurs,
chacun peut en apprécier toute l’ampleur qui ne semble bien qu’en être à un
début !
Le
rapporteur a dû oublier, ce faisant, les termes de la loi qui précisent
clairement que le
CSA doit choisir un professionnel du secteur…mais bon !!!!
3°)
Que l’intitulé même de la loi « indépendance et transparence dans
l'audiovisuel public »
suffirait à ce que les sages du Palais
Royal s’interrogent sur son sens, à savoir justement la transparence et non
l’opacité.
Face
à de tels vocables, les arguments de
l’avocat de l’ex Orange devant le Conseil que souligne « Le Figaro »,
sont bien peu pertinents :
Indiquer
au juges « Vous vous
retrouvez donc dans la situation inconfortable où vous devez faire prévaloir la
parole d'une des parties sur l'autre», c’est plutôt croquignolet…
Expliquer
que ce serait la parole des syndicats qui ont engagé leur recours (et de
toute la Presse derrière) contre celle de l’ex Orange faute d’éléments
« probants » alors qu’ils les demandent par le biais de la CADA et de
l’instruction judiciaire alors que ce alors que le CSA se réfugie derrière le
secret de la procédure et des candidatures, c’est assez surprenant.
Indiquer
au surplus pour défendre sa cliente que «Si des candidats de très grande qualité avaient été
écartés au profit de Mme Ernotte, avec une erreur manifeste d'appréciation, ils
auraient été les premiers à se manifester» afin de justifier la « transparence »
du processus, il faut quand même oser.
Imaginez
Lance Armstrong nous dire, vous voyez bien que les autres coureurs du Tour ne
se sont pas manifestés, ce qui prouve que je suis clean !!!!!!!
L’ensemble
de ces arguments a d’ailleurs été contesté par Maître Yves Richard, avocat des
syndicats, pour qui «Le climat de suspicion demeure et l'objectif
de transparence et d'indépendance de la loi relative à l'indépendance de
l'audiovisuel public n'est pas assuré…Comment le CSA peut-il garantir un
processus transparent en taisant, entre autres, le nom des candidats ?» mais pour qui, plus largement, ceux
qui ont sciemment opacifié une procédure qui ne devait plus jamais l’être, la décrédibilise
totalement !
Les magistrats du Conseil d'État avant de se prononcer
auront forcement à l’esprit le fait que consacrer de la sorte l’opacité d’un
processus sur lequel ils n’auront de facto plus aucune possibilité de contrôle,
n’est certainement pas de nature, ni à grandir, ni à garantir la Démocratie.
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