Oh, la vache ! Comment « Le
Monde » atomise Ernotte dans les grandes largeurs.
Nous ne sommes certes pas les premiers à nous
délecter de l’excellent article signé Renaud Machart pour « Le Monde » intitulé « Les
longs après-midis de France 2 » le moins que l’on puisse dire comme l’écrit ADAP
dans son blog qui rajoute un très à longs après-midi, c’est qu’effectivement le journaliste « n'y va pas avec
le dos de la cuillère ! ».
Nous ne pouvons donc résister, nous aussi, à vous
faire découvrir cet article si vrai, si pertinent et si imagé qui vaut le
détour.
« Trois nouvelles
émissions font leur rentrée, sans parvenir à tirer ce créneau horaire du néant.
Les remodelages, recadrages et remplacements n'ont jamais réglé
la question des après-midi de France 2, ce tunnel devenu trou noir depuis
l'arrivée à la tête de France Télévisions de Delphine Ernotte, il y a deux
ans.
Annoncées début juillet et lancées entre le 21 et le 28
août, trois nouvelles émissions devaient changer la donne et donner du
sens à cette tranche. Nous les avons regardées en direct ou en replay depuis le
28 août.
A 13 h 55, Faustine Bollaert, transfuge de M6, anime "Ça commence aujourd'hui",
une émission de témoignages sur des sujets de société qui ressemble à tant
d'autres déjà vus sur France 2 (Jean-Luc Delarue naguère, Sophie Davant plus
récemment).
Cet exhibitionnisme
doloriste peut, dans ses rares bons moments,
apporter de l'information utile. Mais, le plus souvent, en dépit de la
gentillesse empathique de son animatrice, le programme semble hésiter entre un
ton à l'eau de rose et une vulgarité façon " C'est mon choix " sur
Chérie 25.
Déplacée, en 2016, de Canal + vers sa filiale C8, comme
d'autres avant elle – Thierry Ardisson et son magazine hebdomadaire "
Salut les terriens ! ", Daphné Bürki, l'animatrice de " La Nouvelle
Edition ", avait refusé de jouer les prolongations et de passer sous les
fourches Caudines de Cyril Hanouna, grand manitou aussi officiel qu'officieux
de la chaîne.
Registre coquin
La voici donc, à 15 heures, à la tête de "Je t'aime, etc…", une
émission qui a tout d'un " Aujourd'hui madame " (1970-1982) façon
" courrier du cœur " XXIe siècle, plutôt coquin, à la limite du graveleux parfois – danger contenu
par l'élégante " fofollerie " de cette grande fille bien née.
Entourée d'une équipe de chroniqueuses plus ou moins rigolotes,
Daphné Bürki, qui a de toute évidence drainé une partie de son public ancien
dans ce nouveau studio (elle connaît certains de ses membres par leur prénom),
a également souhaité la présence de deux garçons : un hétérosexuel bellâtre
dont les interventions sont jusqu'à maintenant d'une indigence telle qu'on se
demande comment il tolère ce rôle de potiche; et un homosexuel italien que l'on
dira flamboyant, apparu, dès la deuxième émission, en talons aiguilles et qu'on
aura vu essayer des perruques de femme.
Bürki fait du Bürki. C'est ce qu'on lui demande et ce qu'on
attend d'elle. D'où le sentiment de
déjà-vu. Mais, contrairement à " La Nouvelle Edition ", les sujets traités dans " Je t'aime,
etc. " sont d'un vide absolu : " Je dois rencontrer ma belle-mère
pour la première fois, et j'ai peur. Que dois-je faire ? " ; " Je
voudrais me faire tatouer le prénom de mes enfants. Est-ce une bonne idée ?
" " J'ai 18 ans et je vis avec une fille de 26 ans. Est-ce un
problème ? ", etc.
En réponse à ces interrogations brûlantes et majeures, on a
droit aux interventions d'une psy dont les propos semblent sortis de La
Psychanalyse pour les nuls et à celles d'une sexologue belge qui parle
d'un ton posé et sentencieux, comme si elle s'adressait à des enfants de 5
ans traumatisés.
Compte tenu des publicités qui précèdent " Je t'aime, etc.
" – on aura vu des spots en faveur des sous-vêtements anti-fuites
urinaires et des monte-escaliers –, l'émission semble cibler les seniors. Mais
en quoi le reportage sur les " underboobs " (mode
qui consiste à dévoiler le dessous des seins, et non plus le dessus) les
concerne-t-il – sinon pour émoustiller quelques messieurs égarés devant ce
programme plutôt pour les filles ?
A 16 heures suit "Affaire
conclue", magazine lancé le 21 août, inspiré des programmes de ventes aux enchères nord-américains vus sur RMC
Découvertes et ailleurs : des vendeurs d'objets divers – d'une simple table
à une voiture de collection – les font expertiser en plateau par un
commissaire-priseur, puis les proposent à une équipe d'acheteurs
professionnels.
On a cru qu'on s'amuserait
un peu avec Sophie Davant au bord du fou rire
alors qu'elle demandait à un " spécialiste de la pipe " ce
qu'il pensait d'une pipe à eau, mais on
sent qu'avec ce concept imbécile, l'animatrice vit des moments de solitude
terribles aux commandes d'une émission qui, comme les précédentes, ne fédère
pas un grand public.
Depuis son lancement, "
Ça commence aujourd'hui " a réuni en moyenne 600 000 téléspectateurs
(6,7 % de part d'audience, pda) ; tandis que " Je t'aime etc… " a affriolé 390 000
téléspectateurs (5,4 % de pda) et "
Affaire conclue ", 420 000 accros à la brocante (6,3 % de pda).
Xavier Couture, directeur général délégué chargé de la stratégie
et des programmes du groupe [Vous savez, celui qui se vantait il y a quelques jours dans Libé «J’ai été élevé dans le cul. Tout à coup, après
68, on a eu le droit de baiser. Alors, j’ai beaucoup baisé. Et je continue,
j’adore. », ndlr] espérait que France 2 devienne "le ciment des fragments de notre
société, à créer du lien, des débats, être un passeur de culture et
d'intelligence". Il ne semble pas que ces après-midis remodelées y contribuent.
Renaud Machart
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire