La lettre de Pascal Josèphe au
président du CSA en forme de cri d'alerte...ENFIN.  
Il s'est "abstenu de tout commentaire" après le
parachutage à l'été 2015suite au vote du "Schrameck's band" mais là,
la coupe est pleine...et il le dit Pascal Josephe qui constate où est
tombé cette télé publique depuis 18 mois "ne
parvient plus à faire la preuve ni de son exemplarité éditoriale et sociétale,
ni de la pleine légitimité de la redevance" 
Regardez où vous avez mis cette télé
publique, vous qui avez joué les apprentis laborantins avec une expérience qui
a mal tourné. Il est temps que l'Exécutif renouvelé arrête au plus vite - 
comme cela semble prévu - les dégâts !
Voici l'intégralité de la lettre de
Pascal Josephe:
Monsieur le Président,
Je me suis abstenu de tout commentaire après le choix qui fut le vôtre le 23 avril 2015, il y a deux ans, pour la présidence de France Télévisions.
 Je m’adresse à vous aujourd’hui, en tant que professionnel et en tant 
que citoyen très inquiet de la situation de la télévision publique. Si 
des candidats à l’élection présidentielle envisagent de réduire son 
périmètre et son financement, c’est qu’elle prête le flanc, ne parvenant
 à faire la preuve ni de son exemplarité éditoriale et sociétale, ni de 
la pleine légitimité de la redevance. Dans les mois qui viennent, 
l’avenir de France Télévisions sera très probablement en débat. J’y 
participerai et je suis déterminé à promouvoir le projet que j’avais 
soumis au CSA.
Je prends acte de l’annonce récente d’un résultat d’exploitation à
 l’équilibre, qui s’explique par des efforts de l’entreprise et par une 
augmentation sensible de la ressource publique. Il est sain et normal 
que l’entreprise s’inscrive à nouveau dans une trajectoire financière 
vertueuse, dès lors que l’offre de programmes serait bien considérée 
comme la toute première priorité et non comme une variable d’ajustement,
 ce qui est le cas depuis de nombreuses années et explique en grande 
partie les difficultés chroniques et structurelles de l’entreprise.
Le public se détourne massivement de l’offre de France 
Télévisions, ses audiences n’ont jamais été aussi basses. Aucun fanion 
nouveau n’a été hissé au sommet de l’offre éditoriale. Culture, 
histoire, géopolitique, divertissements de qualité, fictions 
audacieuses, prestigieuses, disruptives, émissions et offre numérique 
conçues pour reconquérir les jeunes et leur proposer des repères, 
programmes-évènements autour des grands sujets qui secouent la planète :
 rien dont on se souviendra… Ce n’est pas la nouvelle chaîne linéaire 
d’information en continu -conçue dans une précipitation pré-électorale 
pour tenter, en vain, de rivaliser avec ses consœurs privées -, ni la 
promesse d’une nouvelle plateforme numérique -dont on peut aujourd’hui 
douter qu’elle verra le jour-, ni un nouveau et coûteux feuilleton 
quotidien pour fin d’après-midi, qui peuvent tenir lieu de projet, même 
modeste. L’offre régionale et ultramarine reste traitée comme un pensum,
 alors qu’elle devrait être le fer de lance d’une relation intime avec 
le public, reposant sur davantage d’information, de découverte de notre 
patrimoine et de la performance de nos territoires, et sur des services 
numériques adaptés aux nouveaux usages. En matière de diversité et de 
reflet sur les antennes de notre société telle qu’elle est, le décalage 
reste considérable et compromet l’une des missions essentielles de la 
télévision publique.
Pour tous ces manquements, la redevance perd de sa légitimité, le
 périmètre et les effectifs de l’audiovisuel public sont désormais en 
question. Il n’y a pourtant aucune fatalité. Il suffit pour s’en 
convaincre d’observer comment chez nos proches voisins européens la 
télévision publique a su se renouveler, s’adapter, et rivaliser tant 
avec la concurrence télévisuelle privée qu’avec l’offre pléthorique du 
web. Un seul mot d’ordre par exemple pour la BBC : que chaque 
téléspectateur, quels que soient son âge et sa condition sociale, ait 
une bonne raison, chaque jour, de venir consulter son offre linéaire ou 
délinéarisée, et cela dans le cadre d’une politique éditoriale sans 
complaisance.
Les créateurs sont pour la plupart déboussolés par l’absence 
d’une stratégie éditoriale claire et d’un cap propre à chaque antenne. 
Ils sont nombreux à serrer les dents, par crainte d’être écartés. Alors,
 quand ils le peuvent, ils répondent à la demande, participent à des 
consultations, mais surtout ils comptent sur leurs réseaux pour pouvoir 
travailler. Je les comprends, mais je leur souhaiterais meilleure 
considération, meilleure qualité d’écoute, transparence dans les 
procédures d’instruction et de sélection des projets, et plus grande 
complicité dans l’accomplissement  d’une belle ambition partagée. Ils 
savent tout faire, dans tous les genres de programmes, répondre aux 
sollicitations les plus exigeantes, faire preuve de toutes les audaces, 
offrir au public de quoi le faire vibrer, s’émouvoir, apprendre, 
découvrir, mieux comprendre notre temps, et aussi de quoi se divertir et
 se détendre sans s’abêtir, pour échapper à un quotidien parfois pesant.
 En concevant mon projet pour France Télévisions, je savais que la 
réussite reposerait largement sur eux, créateurs, auteurs, producteurs, 
et sur tous ces métiers souvent dans l’ombre des tournages. Je comptais 
sur ces précieux talents pour renouveler l’offre en profondeur, dans une
 relation de travail intense, loyale et confiante. Quand on sait qu’au 
mieux une innovation sur deux rencontre son public, et compte tenu du 
besoin de renouvellement radical de l’offre, ce sont cent à cent 
cinquante nouveaux programmes qu’il aurait fallu lancer depuis 2015, à 
des coûts maîtrisés et justifiés au regard de leur audience ou de leur 
mission de service public.
A propos des personnels de France Télévisions, nombreux sont ceux
 qui regrettent de ne pas se sentir engagés dans une dynamique 
collective et constructive, exprimant un mal-être, des risques 
psychosociaux et un manque sévère de reconnaissance. Ils sont conscients
 de leur chance d’appartenir à un groupe au passé prestigieux, de 
bénéficier d’un statut social meilleur que la moyenne. Malgré les 
impératifs de bonne gestion qui doivent conduire à la maîtrise et la 
baisse de la masse salariale, je suis convaincu qu’ils étaient prêts, et
 le sont toujours, à donner le meilleur d’eux-mêmes, conscients de leurs
 responsabilités vis-à-vis du public, de leurs propres familles, de 
leurs amis, tous contributeurs de l’audiovisuel public.
J’ai une pensée particulière pour les 2500 journalistes du groupe
 qui portent cette mission fondamentale d’informer, d’alerter, 
d’expliquer. Réformes organisationnelles inabouties et ligne éditoriale 
indécise semblent les laisser dans l’expectative et le doute, voire dans
 la défiance, alors qu’ils forment la plus puissante équipe 
journalistique de France. La période pré-électorale et électorale ne 
leur aura pas permis de faire valoir pleinement leurs compétences et 
leur amour du métier, comme ils l’avaient si bien fait lors des 
élections de 2012.
L’organisation de l’entreprise mise en œuvre depuis deux ans pose
 problème : sur le papier déjà, au stade du projet, elle portait en elle
 des germes de dysfonctionnement et notamment de déresponsabilisation 
des cadres dirigeants et intermédiaires, tant le sommet de la pyramide 
concentre les décisions. Ceci explique que bon nombre de professionnels 
de haut niveau aient refusé les uns après les autres de rejoindre le 
groupe. Car France Télévisions, comme les médias en général, n’est pas 
un corps social comme les autres. Pourquoi celles et ceux qui y 
travaillent ont-ils choisi ou ont-ils été conduits à exercer ces 
métiers, qu’ils soient journalistes, responsables de programmes, 
techniciens, managers, personnels administratifs ? Au plus profond 
d’eux-mêmes, ils ont en commun avec les créateurs d’être un peu 
rebelles, de ne pas se contenter du monde tel qu’il est, de vouloir le 
faire avancer, de témoigner, créer, partager, et contribuer à leur 
manière à ce qui fait société : mieux vivre ensemble, protéger la 
démocratie, donner à voir ce qui nourrit l’esprit critique et 
l’imaginaire, aider chacun à se situer dans  le temps et dans l’espace. 
Oui, ils sont ainsi, et aucun carcan ne peut les contraindre, sauf à 
éteindre cette petite flamme qui est en chacun d’eux. 9.000 
collaborateurs de France Télévisions ne peuvent être dirigés comme 9.000
 autres. Seul un projet éditorial ambitieux, responsable et partagé peut
 les mobiliser, les conduire sur les chemins de l’excellence. Et pour 
cela, la confiance doit être la règle, l’autorité s’exerçant non par la 
contrainte mais par la légitimité, par l’exemple, et par la 
reconnaissance professionnelle mutuelle.
Les pouvoirs publics et la représentation nationale ont en 
apparence une faible influence sur la marche de la télévision publique. 
Ils s’abstiennent en général de toute intervention qui pourrait être 
interprétée comme de l’ingérence. Mais ils se manifestent quand il 
s’agit de négocier les contrats d’objectifs et de moyens, le montant de 
la redevance, et de définir la règlementation et les lois. A l’automne 
2015, au Sénat, la commission de la culture, de l’éducation et de la 
communication et la commission des finances ont élaboré conjointement un
 véritable projet pour l’audiovisuel public, portant sur son 
organisation, avec un rapprochement structurel de la radio et de la 
télévision, sur un nouveau mode de financement qui s’inspirerait du 
modèle allemand, sur sa gouvernance et le mode de désignation des 
dirigeants. Ce projet constitue aujourd’hui le socle des projets de 
plusieurs candidats à l’élection présidentielle pour l’audiovisuel 
public. C’est donc probablement dans ce cadre que se jouera l’avenir de 
France Télévisions, de ses missions, de son périmètre, de son 
financement.
J’aurais préféré que la télévision publique brille en ce 
printemps de tous ses feux, qu’elle soit reconnue pour son audace 
créative, pour l’harmonie, la richesse et la complémentarité éditoriales
 de ses antennes, pour sa contribution active au débat public, avec de 
bien meilleures audiences, notamment chez les jeunes et les actifs. 
C’eût été le meilleur moyen de justifier pleinement sa raison d’être."
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