Le mariage TF1-M6 fait déjà couler beaucoup d’encre.
Les chiffres de
Médiamétrie pour le mois de mai 2021 sont assez édifiants. En cumulant les audiences
des chaines des deux groupes dont la réunion devrait représenter une
force de frappe hors du commun, donnerait naissance à un groupe
rassemblant 42 % de l’audience totale avec TF1 quasiment à 20% de part
d’audience et M6 autour de 10 %.
L’audience globale qui englobe les autres chaînes de la TNT des deux groupes comme TF1 séries films (1,7 %), 6ter (1,7 %), TFX (1,5 % d’audience) ou encore LCI qui affiche (1,1 0% d’audience), etc… pourrait certes perdre un peu - du fait de la cession de trois fréquences de la TNT exigé par l’Autorité de la concurrence - mais ce ne serait évidemment qu’à la marge.
A côté de cela, l’aspect « recettes publicitaires » - le nerf de la guerre - laisse entrevoir que les deux chaînes privées contrôleraient également 75 %% de la pub télévisée.
L’article du Canard enchaîné de ce mercredi signé Odile Benyahia-Kouider « TF1-M6 : un mariage sans témoins » (*) en donne déjà un sérieux aperçu.
(*)
Avec
leur projet de fusion, les deux chaînes privées contrôleraient 75 %% de la pub
télévisée. Les élus ne critiquent pas cette concentration, de peur de ne plus
être invités sur les plateaux.
CONTRAIREMENT
aux aventuriers de la dernière édition de « Koh-Lanta », les dirigeants de
TF1 et de M6 n'ont rencontré aucune difficulté dans l ' épreuve de la course d
' orientation Les propriétaires des deux chaînes privées, qui , le 18 mai , ont
présenté leur projet de fusion , avaient préparé leur coup avec minutie . Si
bien qu'ils ont anesthésié tout débat public sur les dangers que ferait courir
au pluralisme une trop grande concentration des médias ...
Curieusement,
ni Jean-Luc Mélenchon, ni Marine Le Pen, ni Xavier Bertrand, ni Olivier Faure,
ni Yannick Jadot n'ont donné de la voix. Même silence du côté d'Arnaud
Montebourg, pourfendeur, en 2010, de cette « télévision de la droite » chaîne
de l'« individualisme » et du «fric ». Et aujourd'hui ?
« Bouygues, c'est tellement mieux que Bolloré , qui fait la
campagne de Marine Le Pen ! » lance-t-il au « Canard ». « TF1 n'est plus
spécialement de droite, renchérit un expert en médias. Les grosses
pointures de la politique n osent rien dire : ils ont la trouille de ne plus
être invités au jité ! »
Festin
de pub
Les
députés avaient l'occasion d'ouvrir un débat d'intérêt général. Mais ils ont
appris que l'audition, le 9 juin , de Gilles Pélisson, le pédégé du groupe TF1,
et de Nicolas de Tavernost, le président du directoire du groupe M6, devant la
commission des Affaires culturelles de l'Assemblée allait , à la demande des
intéressés , se tenir à huis clos – « au nom du secret des affaires ».
Plus sulfureux que les ventes d'armes : l'audiovisuel !
Les
promoteurs du mariage des chaînes privées redoutent, expliquent-ils, que des
prétendants éconduits comme Vincent Bolloré, Daniel Kretinsky , Silvio
Berlusconi ou Xavier Niel profitent de leurs propos publics pour dénigrer l'accord.
Lequel pose, il est vrai , de sacrés problèmes, dus à la loi
anti-concentration.
Favorable
à cette fusion, Emmanuel Macron ne peut décemment pas demander un changement de
cette loi à un an de la présidentielle ! L ' affaire sera donc traitée par l'Autorité
de la concurrence. « Cela paraît compliqué qu'une telle opération
puisse même être envisagée », a déclaré, rabat-joie, Isabelle de Silva, la
présidente de l'Autorité de la concurrence, instance qui devra donner (ou non)
son feu vert, à la fin de 2022.
Et la première de ces concentrations est financière. Unis,
les ex-frères ennemis cumuleraient 75 %% de part de marché publicitaire, soit
3,4 milliards d ' annonces (contre 2,9 milliards pour France Télévisions,
redevance comprise): un pactole coulé dans le béton.
Actuel
patron de M6 désigné pour piloter l'ensemble, Nicolas de Tavernost pense avoir
trouvé la parade : il suffit d ' élargir le marché de la publicité télévisuelle
à celui de la pub en ligne. Et hop ! d ' un coup de baguette magique, le nouvel
ensemble ne se trouvera plus en position ultradominante ...De micro en micro,
Tavernost prêche : « Nous devons résister aux plateformes numériques »,
tels Netflix, Amazon Prime, Apple TV + Google ou Facebook. « Mais ces
services sur abonnement ne sont pas en concurrence avec TF1 et M6 , s'
étonne un annonceur . Jusqu' à preuve du contraire, c'est essentiellement la
presse écrite qui a souffert de l ' arrivée des Gafam, pas la télé. »
Facebook
émissaire
L'affaiblissement
de la régie publicitaire de TF1 est d'ailleurs antérieur à la percée de Netflix
: il remonte au développement de la TNT. Depuis lors, « les espaces publicitaires
de la chaîne TF1 ne sont plus indispensables pour les annonceurs », notait
l'Autorité de la concurrence dans une décision du 25 avril 2019, faisant suite
à une plainte déposée par ... son concurrent M6.
En
plaçant sept de leurs dix chaînes sous un même toit (il faudra obligatoirement
en revendre trois), les
deux groupes espèrent réaliser de 250 à 350 millions d'économies par an,
dont 50 millions de frais de personnel.
Allégement
des effectifs à l'horizon ? Une partie des économies sera, à n'en pas douter, allouée
à la production, mais une autre atterrira directement « dans la poche des
actionnaires », admet le ponte de l'une des chaînes concernées. Comme on
dit à M6, le bonheur est dans le blé.
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