Lettre ouverte aux administrateurs de France Télévisions : Le
statut de témoin assisté est un "état précaire qui ne laisse présager
rien de bon".
Vendredi 4 juillet, une dépêche AFP, indiquait "France Télévisions va se constituer partie civile dans
l'affaire Bygmalion et l'annoncera à son Conseil d'administration le 10
juillet".
Qui, à France Télévisions, a bien pu appeler l’agence de Presse pour une
telle communication?...parce qu’il faut quand même avoir un certain culot surtout
après le placement de Pflimlin par le
juge Renaud Van Ruymbeke sous statut de témoin assisté dans le volet
audiovisuel de l’affaire Bygmalion!!!!
« Témoin assisté,
ce n’est rien …en somme c’est un témoin qui a la possibilité de se faire
assister par un avocat » expliquait
l’un des intéressés à un journaliste qui lui demandait de confirmer l’information…
Ben
voyons ! Et d’ajouter « Sinon
pourquoi la Ministre aurait-elle recruté comme directeur de cabinet l’ex dg
chargé des finances à FTV Martin Ajdari également témoin assisté comme Damien
Cuier son prédécesseur » dans ladite affaire ?
Non, mesdames, messieurs les administrateurs,
le statut de témoin assisté n’est pas un pass pour Disneyland Paris et encore moins
une gratification qu’il faut
impérativement inscrire à son CV en guise de palmarès !
L’article 113-2 du Code de Procédure Pénale dispose :
"Toute personne nommément visée par une plainte ou mise en cause par la
victime peut être entendue comme témoin assisté. Lorsqu'elle comparaît devant
le juge d'instruction, elle est obligatoirement entendue en cette qualité si
elle en fait la demande ; si la personne
est nommément visée par une plainte avec constitution de partie civile, elle
est avisée de ce droit lorsqu'elle comparaît devant le juge d'instruction.
Toute personne mise en
cause par un témoin ou contre laquelle il existe des indices rendant vraisemblable
qu'elle ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission des
infractions dont le juge d'instruction est saisi peut être entendue
comme témoin assisté."
« Le
statut de témoin assisté est, comme
la santé pour le professeur Louis-Hubert Farabeuf, un "état précaire qui ne laisse présager
rien de bon" écrivait
Gérard Karageorgis dans « Justice »
le 29 Mai 2013 concernant Christine
Lagarde, actuelle Directrice du FMI et ancien ministre de l'économie, placée
sous statut de témoin assisté par la Cour de justice de la République (CJR)
dans le cadre de
l'instruction concernant l'arbitrage dont Bernard Tapie avait bénéficié en
juillet 2008 dans le litige qui l'opposait au Crédit Lyonnais sur les
conditions de la vente de la société Adidas.
Le même
Gerard Karagaorgis qui publie aujourd’hui un nouvel article intitulé « Affaire
Bygmalion : "La responsabilité de Sarkozy est engagée" » d’ajouter
« Ce
pouvoir d'appréciation est parfaitement conforme au droit pénal qui fait
reposer l'instruction sur l'intime conviction du juge qui en est chargé. C'est
si vrai qu'il peut décider le passage du statut de témoin assisté à celui de
mis en examen, sous la seule condition d'informer l'intéressé de son intention
et de le mettre en mesure de présenter ses observations.
La Cour de cassation, dans une décision du 29 mars 2006 a d'ailleurs
précisé que, pour procéder à ce changement de statut, le juge n'a pas besoin de réunir des éléments nouveaux. Cette mise en
examen d'un témoin assisté peut intervenir à tout moment de l'instruction, la
seule condition étant qu'il existe effectivement des "indices graves, précis et concordants" de participation à la commission de
l'infraction. Peu importe même qu'aucun acte d'instruction n'ait été
réalisé entre l'audition de l'intéressé en sa qualité de témoin assisté et sa
mise en examen (Crim. 13 septembre 2011). Rien n'interdit au
juge de procéder en deux temps pour les personnes ayant une notoriété particulière,
dans le seul but d'atténuer quelque peu l'acharnement des médias. »
Il convient donc de le redire clairement aux
administrateurs qui siègent au Conseil d’Adminiostration de France Télévisions, le juge Renaud Van Ruymbeke a bien placé Pflimlin
sous statut de témoin assisté comme deux autres dirigeants de France Télé, en
vertu du Code de Procédure Pénale, parce qu’il existe légalement « des
indices rendant vraisemblable leur participation, comme auteur ou complice, à
la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi »
(dixit le CPP)
Le blog CGC Média l’a déjà clairement affirmé dans son récent post « La volonté des administrateurs de France télé de se constituer partie civile dans l'affaire Bygmalion, est incompatible avec le maintien de Pflimlin ».
1) Le Conseil d'Administration de chaque société est son organe de
décision. C'est dit.
2) Le
Conseil d'Administration de France Télévisions qui pour avoir accès au dossier (il semble bien que les administrateurs aient découvert tous
ces contrats dont parle la presse unanime comme l'Express (*) du 4/07/14),
propose le 10 juillet prochain, d'adopter une "résolution" lui
permettant de se constituer partie civile dans l'affaire Bygmalion instruite
par le juge Renaud Van Ruymbeke, peut donc en théorie agir de la sorte!
3) Seulement
voila, le président du Conseil d'Administration qui est seul en qualité
de représentant légal de l'entreprise à
porter cette constitution de partie civile, est lui-même visé
par la plainte puisque déjà placé sous statut de témoin assisté par le
juge dans le cadre d'un volet de l'instruction.
4) Personne n'imagine qu'un juge puisse juger
recevable la constitution de partie civile de celui qu'il vient de placer
sous statut de témoin assisté, statut intermédiaire entre celui de
simple témoin et celui de mis en examen....la question du "conflit
d'intérêt" comme le souligne pertinemment Maître Lambert, se
posant le plus logiquement qui soit.
5) En
l'espèce, la constitution de partie civile reviendrait à exclure
du Conseil d'Administration de France Télévisions celui qui est
dans une telle situation...on ne peut évidemment pas être visé
par une procédure judiciaire et se constituer partie civile dans la même procédure
contre soi-même !!!! C'est élémentaire, mon cher Watson.
6) Le
Conseil d'Administration de France Télévisions en adoptant une telle mesure,
exclut de fait Pflimlin de cette constitution de partie civile....du coup,
il y a là un méga hic. Le représentant légal de France Télé c'est Pflimlin, le
président du conseil qui ne peut se constituer contre lui-même !!!!! Pflimlin
ne peut donc pas rester membre du Conseil d'Administration...il en est de facto
démissionné.
7) Et là, autre "big problème"....le conseil ne peut élire un
autre président car c'est le CSA qui légalement procède
à cette désignation et non le Conseil qui coopterait un de ses
membres... Pflimlin ne peut donc plus rester Président de France
Télévisions avec une telle démarche.
Pour ces raisons, Pflimlin visé comme d’autres
dans la plainte instruite par le juge Van Ruymbeke ne peut se constituer partie
civile au titre de France Télévisions personne morale donc en tant que son représentant
légal puisqu’il est aujourd’hui directement
nommément désigné.
La loi
du 30 décembre 1987 énonce d’ailleurs clairement que « toute personne nommément désignée dans une plainte avec
constitution de partie civile peut demander, lorsqu'elle est entendue comme
témoin assisté, à bénéficier des
droits reconnus aux personnes mises en examen, c'est-à-dire
concrètement à l'exercice des droits de la défense (art. 104 cpp). »
Pour être le plus complet possible, le blog CGC Média invite les administrateurs qui sont intuitu
personae solidairement responsables, pénalement comme juridiquement, dans les actes
qui les engagent dans l’exercice de leur mandat, à tirer toutes les
conséquences de leur décision, à savoir écarter du Conseil d’Administration en
acceptant sa démission, celui que le juge a « nommément
désigné » en le plaçant sous statut de témoin assisté.
Enfin, au cas où l’un d’entre eux n’aurait pas bien en tête le volet
audiovisuel de l’affaire Bygmalion, le blog CGC Média propose la lecture de l’enquête
de « Libération » du 3 juillet dernier signé Isabelle Roberts et Raphaël Garrigos "France Télévisions a mangé du Bygmalion"
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