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mardi 12 octobre 2021

Lettre à Emmanuel Macron : Allez-vous laisser dépecer la télé publique, monsieur le Président ?

Lettre à Emmanuel Macron : Allez-vous laisser dépecer la télé publique, monsieur le Président ?


Monsieur le Président de la République,

 

La télévision publique est notre bien commun.

« Elle appartient à tous les Français par définition et par histoire. Elle ne peut appartenir à une caste ou à une élite » répètent à l’envi celles et ceux qui, bien évidemment, pensent tout le contraire et ne cessent jour après jour de la casser. « Un vecteur de l’idéal républicain et un pilier de notre démocratie » ont même osé lancer certains, histoire de masquer leurs turpitudes.

En 2009, la loi 2009-258 du 5 mars consacrait par la refonte de l’organisation interne du groupe France Télévisions TUP, alors composé d’une société Holding et de multiples sociétés nationales de programmes, ses filiales, en le transformant en une entreprise nationale unique à qui était confiée la conception et la programmation des émissions nationales et locales de télévisions ainsi que des émissions de radio ultramarines.

Aujourd’hui quelques-uns imaginent la dépecer en votre nom.

Il ne s’agit pas seulement de moyens mais aussi et surtout de femmes et d’hommes – une petite centaine pour commencer – qui la font vivre au quotidien et dont la direction de France Télés a décidé d’avoir la peau en les transférant vers une filiale de type SAS qui ne répond en aucun cas aux obligations légales fixées pour le groupe de Service Public dont vous êtes garant. 

Ces transferts envisagés portent incontestablement atteinte au principe d’unicité qui définit la société France TV et plus précisément à l’égalité de traitement des salariés du secteur de la communication et de l’audiovisuel.

Transférer tout ou partie de la conception de ses programmes à une autre entreprise, fût-elle sa filiale (*) équivaut à vider l’entreprise France TV de sa substance, et d’une manière plus générale à bafouer la loi de 2009 qui l’a créée.

(*) Cette filiale dénommée France TV Studio qui prend donc la forme d’une SAS le statut juridique le plus souple à l’heure actuelle et permet de faire quasiment tout ou n’importe quoi, tout en limitant les risques pour les associés qui l’ont mise en place et peuvent tout aménager comme bon leur semble.

Par ailleurs, France TV est une SA dont les capitaux sont détenus par l’État en totalité et qui assure une mission de Service Public. A ce titre, elle est tenue par certaines obligations légales en termes de procédures, de qualité des programmes, de contenus, notamment en matière de promotion de la diversité et pluralisme des programmes.

Elle est soumise, entre autres, à un cahier des charges très strict fixé par décret.

France TV Studio n’a, quant à elle, aucune de ces obligations notamment sur la qualité des programmes, et rien ne garantit que les programmes qu’elle proposera seront acceptables au regard de la loi de 2009.

De tels transferts seraient donc en conflit complet avec la loi de 2009 dont la volonté est, redisons-le, de confier à une entreprise unique les missions de conception des programmes de télévision.

Cette conception de programme qui finalement est elle aussi bafouée jour après jour par une externalisation massive des programmes.

Il suffit pour le constater, de voir l’incroyable étendue des dégâts que viennent souligner l’enquête et les tableaux publiés ce mois-ci par « Ecran Total » dont les chiffres du « Classement 2021 des sociétés indépendantes productrices de flux » sont sans appel.

L’introduction en est édifiante et fait froid dans le dos : « Cette année, nous avons souhaité faire évoluer notre méthodologie en établissant un classement des sociétés, avec le détail de leur production, en plus de celui des groupes.

Ainsi, France.tv Studio se place évidemment en tête, porté par l’intégralité de la production de France Télévisions dont il sert exclusivement les antennes. C’est la seule société qui compte un seul client, sa maison mère. »

France TV Studio – SAS autonome et ne répondant pas aux obligations prévues par le Législateur, répétons-le – se place en tête du recours au Privé pour faire fabriquer des programmes payés par le contribuable français.

Si ces dernières sont en bonne place concernant la télé du privé, précise l’enquête  « avec notamment le talk-show "Touche pas à mon poste" et ses 484 heures diffusées durant toute la saison où Cyril Hanouna permet à sa société H2O de tutoyer à nouveau les sommets avec plus de 775 heures ou encore l’émission phare diffusée en avant soirée "Quotidien" qui cumule plus de 600 heures via ses différentes déclinaisons (première partie, best of, hebdo, express), résultat qui permet à "Bangumi" de se placer en troisième position de notre classement et même à la première place des sociétés totalement indépendantes » le Service public fait quasiment jeu égal.

« De son côté, la société de Nagui, "Banijay Production Média (ex-Air Prod)", tutoie également les 600 heures de diffusion grâce à ses deux émissions les plus emblématiques, "N’oubliez pas les paroles"et "Tout le monde veut prendre sa place"qui cumulent respectivement 273 et 226 heures 30 chacune » précise encore la revue professionnelle qui n’a bien entendu pas inclus les heures de "The Artist" (titre anglais pour une émission du service public !) qualifié aujourd'hui de catastrophe industrielle.

Soit dit en passant, monsieur le Président, la société Banijay est celle d’où venait l’ex-numéro 2 de France Télévisons Takis Candilis qui y est reparti près son départ ! 

« La société "Troisième Œil Productions" [du groupe Médiawan, ndlr] doit quant à elle son total de 574 heures 18 aux diffusions de "C à vous" (265 heures 10), « C l’hebdo » (94 heures) » ou encore "Taratata" et "Le Grand échiquier" dont le coût unitaire de chaque numéro flirte avec les 1,5M€ pour des audiences proches en moyenne autour de 5%.

Oui, monsieur le Président, la télévision publique est effectivement un bien commun que les contribuables financent chaque année par la taxe audiovisuelle avec un peu plus de 2,7 milliards d’argent public pour France Télévisions qui ne peut en aucun cas se comporter de la sorte.

D’abord parce que ces femmes et hommes qu’elle veut pousser dehors vers une SAS hors la loi (2009), sont la première richesse de l’entreprise et doivent être traités avec respect pour le travail qu’ils effectuent au quotidien.

Ensuite parce que la télé publique, ne peut ou plutôt non, ne doit comme le prétendent fallacieusement certains « appartenir à une caste ou à une élite », en l’occurrence à deux voire trois groupes de prod qui se partagent une énorme partie de l’argent dédié aux programmes que verse chaque année l’État dont vous êtes le Chef. 

Ce n’est surement pas…ce ne peut plus être…ce ne sera pas la télévision publique de demain dont vous aviez annoncé l’avènement.

Il faut mettre un terme à cette fuite en avant en garantissant avant tout à l’humain de prévaloir dans cet environnement financier qui tend systématiquement à l’annihiler.

Avec notre profond respect et notre haute considération. 



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